Pherecydes Pharma est la première société de Biotechnologie à s’introduire en bourse sur Paris depuis Octobre 2018. L’occasion de nous entretenir avec Guy-Charles Fanneau de la Horie, le Président du Directoire de la société.
Pherecydes est une société de Biotechnologie créée en 2006 qui développe des solutions thérapeutiques à base de phages pour le traitement des infections bactériennes. Pouvez-vous nous expliquer comment vos phages répondent à un enjeu majeur de santé publique, à savoir la résistance aux antibiotiques ?
Guy-Charles Fanneau de la Horie : Les infections bactériennes sont un véritable défi de santé dont l’impact se mesure en centaines de milliers voire millions de morts tous les ans. En 2014, il avait été rapporté que 700 000 personnes étaient mortes d’infections bactériennes résistantes aux antibiotiques et les projections sont de 10 millions de morts par an en 2050. On s’aperçoit bien que les infections bactériennes qui ne répondent pas aux antibiotiques sont un enjeu de santé majeur, et cela a d’ailleurs été décrété par l’OMS il y a 3 ans.
Le problème est double. D’une part, les bactéries sont très nombreuses et elles ont développé des phénomènes de résistance aux antibiotiques. D’autre part, il est très difficile maintenant de trouver des antibiotiques efficaces avec de nouveaux modes d’actions et donc il faut trouver autre chose pour palier à cette carence.
Pherecydes s’est spécialisée dans la recherche de bactériophages pour tuer les bactéries. Les bactériophages sont des virus totalement inoffensifs qui sont présents dans l’environnement, et ce sont des prédateurs de bactéries. Notre mission est de trouver des virus bactériophages qui vont tuer les bactéries résistantes aux antibiotiques.
- Vous avez déjà publié des résultats prometteurs observés chez l’homme avec votre approche. Pouvez-vous nous présenter votre portefeuille de produits en développement (pipeline), et à quelles échéances (newsflow) comptez-vous communiquer sur les avancées de la société ?
Guy-Charles Fanneau de la Horie : Dans notre portefeuille, nous ciblons plusieurs familles de bactériophage (appelés phages). Les phages sont très spécifiques, à savoir qu’ils ne vont s’attaquer qu’à une seule espèce bactérienne. Les cibles bactériennes que nous avons sélectionnées ont été indiquées par l’OMS comme étant des priorités pour la recherche. Les raisons de ces priorités sont tout d’abord qu’il s’agit de bactéries très pathogènes, mais également qu’elles sont très courantes. Enfin, elles ont de forts pourcentages de résistance aux antibiotiques.
Les trois cibles que nous avons sélectionnées et sur lesquelles nous travaillons sont Staphylococcus aureus (Staphylocoque doré), Pseudomonas aeruginosa et Escherichia coli. Nous les avons choisies car elles représentent plus des deux tiers des infections nosocomiales résistantes aux antibiotiques. Donc avec ces trois cibles, nous pensons déjà répondre à un très gros besoin de santé publique.
En termes de développement, nos phages anti Staphylocoque doré vont entrer en étude clinique en 2021 dans l’indication des infections ostéo articulaires sur prothèses de la hanche et du genou. Les premiers résultats d’efficacité et de tolérance de cette étude, qui inclura 60 à 80 patients sur une période de traitement de 12 semaines, sont prévus pour fin 2022/début 2023. Ces phages vont également faire l’objet d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU), à savoir qu’ils seront mis à disposition du corps médical et hospitalier pour traiter des infections graves ne répondant pas bien aux antibiotiques. Ainsi, dans ce cadre-là, ils pourraient générer du chiffre d’affaires.
Sur notre seconde cible Pseudomonas aeruginosa, les phages sont très avancés en termes de développement préclinique. Nous allons pouvoir produire dès cette année dans le cadre des ATU. Les premières études cliniques devraient démarrer fin 2022.
Sur notre troisième cible, Escherichia coli, nous avons finalisé la sélection de cinq phages à partir d’une bibliothèque de plusieurs centaines que nous avons testés. Et nous sommes en train de mener le développement préclinique pour démontrer leur efficacité. Nous avons choisi comme première indication les infections urinaires compliquées, et les études cliniques devraient démarrer en 2022 ou 2023.
- Votre stratégie de développement consiste dans un premier temps à mettre à disposition vos produits dans le cadre d’ATU (Autorisation Temporaire d’Utilisation). Pouvez-vous nous préciser cette stratégie ?
Guy-Charles Fanneau de la Horie : Nous avons un modèle original car nous menons en parallèles les études cliniques et nous pourrons mettre à disposition nos phages auprès du corps médicale avec un processus de facturation par le biais des ATU. La France est tout à fait en pointe dans ce domaine, ce qui permet aux patients d’avoir accès à des médicaments qui ne sont pas encore enregistrés et qui n’ont pas encore d’autorisation de mise sur le marché (AMM).
Dans le traitement des infections résistantes aux antibiotiques, le besoin médical est tel que cela fait plusieurs années que l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) a organisé un CSST (Comité Scientifique Spécialisé Temporaire) pour prendre une décision sur des ATU avec les phages. Cette réunion a eu lieu en Mars 2019, qui a conclu qu’il fallait des ATU pour des phages qui ont été fabriqués selon des critères pharmaceutiques de BPF (Bonnes Pratiques de Fabrication).
D’ici 2 ou 3 mois, nous allons avoir des phages qui auront été fabriqués selon ces procédures pharmaceutiques. Ce qui signifie qu’ils pourront être mis à disposition du corps médicale par le biais d’ATU. En ce moment, nous sommes en train de reprendre contact avec l’ANSM. Ensuite, selon le type d’ATU qui sera accordé (nous pensons que nous aurons des ATU au cas par cas), le procédé est le suivant : l’équipe hospitalière qui se trouve en face d’une infection (Staphylocoque doré ou Pseudomonas aeruginosa dans un premier temps) qui ne répond pas aux antibiotiques va faire la demande à l’ANSM pour bénéficier d’une ATU. Une fois l’accord obtenu par l’ANSM, nous pourrons envoyer les phages pour le traitement du patient ce qui fera l’objet d’une facturation à l’hôpital.
- Vous préparez votre Introduction en bourse. Quelles sont les modalités et le calendrier de l’opération, et que comptez-vous faire avec cette levée ?
Guy-Charles Fanneau de la Horie : Il s’agit d’une augmentation de capital à prix fixe, au prix de 6 EUR par action. Nous allons pouvoir nous financer jusque fin 2022 ce qui nous permettra d’aller jusqu’aux résultats de l’étude dans le Staphylocoque doré. La taille initiale de l’offre est de 1 166 666 actions nouvelles ce qui représente 7,0 Millions d’euros, avec une clause d’extension maximum de 166 599 actions soit environ 1,0 Millions d’euros.
Ces fonds levés permettront d’assurer le développement des phages dans le Staphylocoque doré (50% de l’allocation de la levée de fonds). Nous allouerons 25% du montant de l’opération au développement préclinique et au début du développement clinique des phages anti Escherichia coli. Enfin, les 25% restants seront consacrés à la fabrication et à la mise en place des ATU ainsi qu’au développement du Phagogramme qui permet de nous assurer que nos phages sont actifs.
Une partie de nos actionnaires actuels s’est engagée à participer. Nous avons ainsi sécurisé 2,1 Millions d’euros. Et nous avons un autre fonds qui n’est pas encore actionnaire qui s’est engagé de 2,5 Millions d’euros.
Le calendrier de l’opération a démarré le 20 janvier avec l’ouverture de l’offre à prix ferme dont la clôture se fera le 3 février. Le 4 février, nous aurons les résultats de l’Offre pour une livraison des titres le 8 février et le début des négociations sur Euronext Growth le 9 février.
Compléments d’informations sur cette introduction en bourse : site de la société (section “Projet d’introduction en bourse”)