Selon une étude, 14% des médicaments développés par les Big Pharmas ont été approuvés sur une période récente. Bien au-delà des 10% constatés généralement…
C’est ce qui ressort d’une étude publiée ce mois-ci dans la revue Science, intitulée « Benchmarking R&D success rates of leading pharmaceutical companies: an empirical analysis of FDA approvals« , qui revient sur une Analyse comparative des taux de réussite en R&D dans les grandes entreprises pharmaceutiques sur la période 2006-2022.
- Que signifient exactement les taux de réussite en R&D ?
Les taux de réussite en R&D représentent le pourcentage de projets de recherche et développement qui aboutissent à la commercialisation de nouveaux médicaments.
Les taux de réussite en R&D sont un aspect crucial de l’industrie pharmaceutique. Lorsqu’on examine les taux de réussite en R&D d’une entreprise,on obtient une image claire de son efficacité dans le développement de nouveaux médicaments.
Ces données sont extrêmement précieuses, notamment pour les comparaisons de performance, la gestion des projets de R&D, les simulations de portefeuille, l’allocation des ressources et les décisions liées aux portefeuilles.
En définitive, cela permet de comparer les entreprises entre elles, même si elles interviennent dans des domaines de recherche différents. Et cela détermine une mesure d’efficacité de l’innovation en montrant la réussite d’une entreprise dans son activité principale, à savoir le développement et la commercialisation de nouveaux médicaments.
- Quels sont les taux de réussite en R&D des principaux Groupes Pharmaceutiques ?
Entre 2006 et 2022, les 18 plus grandes entreprises pharmaceutiques ont mené 19 927 essais cliniques pour développer 2 092 principes actifs.
1) Nombres d’essais cliniques des Big Pharmas (2006-2022), par Phase

Les trois premières entreprises, à savoir Pfizer (2215 essais cliniques), GSK (2204), et Novartis (1826), ont compté pour 1/3 de l’ensemble des essais cliniques.
2) Répartition des essais cliniques des Big Pharmas (2006-2022)

En moyenne, selon cette étude et sur une durée de 17 ans (2006-2022), chaque Big Pharma a mené 460 études de Phase I, 303 études de Phase II, et 344 études de Phase III selon l’étude.
3) Nombre d’actifs menés en cliniques par les Big Pharmas (2006-2022)

Chaque entreprise a travaillé en moyenne sur 116 actifs. Roche et Pfizer (234 actifs chacun) ont dominé le classement, devant Novartis (187) et BMS (174) selon l’étude.
4) Nombre d’approbations de nouveaux médicaments des Big Pharmas (2006-2022)

Cela a abouti à l’approbation de 274 nouveaux médicaments selon l’étude. Les Big Pharmas les plus récompensées ont été Novartis (29 nouveaux médicaments), Roche (27), Pfizer (27), et BMS (23).
5) Probabilité d’approbations des Big Pharmas (depuis la Phase I, entre 2006 et 2022)

Pour autant, le taux moyen de probabilité d’une première approbation (« LoA » pour « Likelihood of Approval« , soit le ratio Nombre d’Approbations / Nombre d’actifs) est faible, atteignant 14,3 % selon l’étude.
Les Big Pharmas ayant eu les plus forts taux d’approbations ont été Amgen (22,8%), Novo (20,7%), Eisai (18,4%) et Gilead (17,1%). Les Big Pharmas qui disposent des plus faibles taux de succès ont été AbbVie (8,1%), Astellas (8,6%), GSK (9,1%) et Eli Lilly (11,1%).
6) Ratio Phase I / Phase III des Big Pharmas (2006-2022)

Des résultats contrastés apparaissent sur ce ratio et sont très intéressants à étudier sur leur manière d’intervenir dans la conduite de l’avancée de leurs essais cliniques. En réalité, ces choix peuvent s’expliquer selon les différentes stratégies de R&D qui sont adoptées par les Big Pharmas.
Les entreprises pharmaceutiques ayant un faible ratio « Phase I : Phase III » (càd qu’il y a eu davantage de Phases III que de Phases I, comme Sanofi, Gilead, Novartis, Takeda, Amgen et Abbvie) se concentrent sur quelques actifs de Phase I à haute priorité avec un mécanisme d’action large (par exemple, des actifs anti-inflammatoires) qui sont ensuite étendus de manière séquentielle à de multiples indications en Phase III (décision initiale : exploratoire / puis à élargir).
À l’inverse, les entreprises avec un ratio « Phase I : Phase III » élevé (comme Boehringer Ingelheim, Eisai, Bristol-Myers Squibb, Astellas, Johnson & Johnson ou Pfizer) testent plusieurs composés en Phase I et ne font progresser que les candidats médicaments prioritaires vers les essais de Phase III à un stade avancé (décision précoce : abandon des perdants / accélération des gagnants).
Selon moi, ce genre de « pratique » est de nature à orienter la poursuite d’un essai clinique, dès lors que le sponsor aura déterminé ses principales orientations en fonction des résultats. Même si d’autres facteurs (par exemple les revues stratégiques) peuvent entrer en compte et mettre fin à un programme clinique.
- Conclusion
En définitive, le faible taux de productivité en R&D pose un défi majeur aux Pharmas et aux Biotechs pour établir un modèle économique durable dans l’industrie pharmaceutique.
La conclusion de l’étude Benchmarking R&D success rates of leading pharmaceutical companies: an empirical analysis of FDA approvals (2006–2022) est que « le taux moyen de réussite pour le développement de médicaments des grandes entreprises pharmaceutiques est nettement supérieur au taux de réussite de 10 % généralement mentionné dans la littérature » [voir plus bas (1), (2), (3), (4)] qui était principalement basé sur des données provenant d’entreprises de biotechnologie.
L’explication avancée, selon les auteurs de cette étude (au-delà des différences dans les méthodologies des différentes analyses) pourrait être que les petites entreprises, comme les Biotechs, « disposent de capacités de développement plus limitées, et font face à des contraintes liées à leurs actifs ou modèles économiques, et adoptent un appétit pour le risque plus élevé, ce qui peut conduire à des taux de réussite plus faibles dans le développement ».
Les auteurs suggèrent que l’IA pourrait améliorer ce ratio de productivité du Pipeline. Serait-ce le facteur différenciant lors des années à venir ?
Nous précisons que l’auteur de l’étude n’a pas intégré Merck & Co (Merck MSD) ainsi que Merck KGaA dans cette étude. Tous les facteurs d’exclusion sont disponibles sur le site initial de la publication.
Autres Liens (études sur la productivité et l’efficacité des Pipelines) :