Bien qu’une large partie des 387 millions de diabétiques dans le monde (estimation de l’International Diabetes Federation) ne soit pas traités, le diabète absorbe plus de dix pourcent des dépenses mondiales de santé, soit un montant total de près de 612 milliards de dollars en 2014… Le seul marché de l’insuline dépasse 20 milliards de dollars et reste largement dominé par les produits à injecter avec une seringue classique ou par les stylos. Sur le papier, les pompes à insuline apparaissent comme la solution la plus séduisante. Une pompe est mise en place pour trois jours, laps de temps qui permet d’éviter une bonne douzaine d’injections, délivre un dosage plus précis, permet un meilleur contrôle de la glycémie, une réduction des épisodes hypoglycémiques ainsi qu’une diminution des complications à long terme. En pratique pourtant, seuls 20 % des patients insulino-dépendants ont adopté le système de la pompe externe dans les marchés où de tels dispositifs sont disponibles.
L’explication est simple : malgré l’inconfort de piqûres répétées, les stylos sont nettement plus pratiques que les pompes actuelles. Relativement lourdes, portées à la ceinture ou en holster comme un rappel constant de la maladie, elles sont surtout affublées d’une tubulure (de 60 cm en général) entre le cathéter et le moteur, par où circule l’insuline. Or il arrive que cette tubulure se décroche, par exemple la nuit en fonction des mouvements du patient endormi, et génère des risques spécifiques : occlusion due à un pliage involontaire, obstruction par des agrégats d’insuline, fuite…
La pompe à insuline Cellnovo élimine la plupart de ces inconvénients. Un ensemble de technologies brevetées, dont une remarquable pompe faisant appel à des matériaux de changement de phase utilisés dans l’aérospatial (une petite quantité de paraffine chauffée par une diode semi-conductrice se dilate en 0,5 secondes et entraîne ainsi un piston) ont permis de miniaturiser la pompe jusqu’à la taille d’une petite boîte d’allumettes et un poids de 25 grammes.
Intégrant en outre un micro-processeur, un glucomètre ainsi qu’un accéléromètre (qui permet de vérifier l’activité physique du patient pour adapter le débit d’insuline), l’appareil demeure suffisamment léger et peu encombrant (14 millimètres d’épaisseur) de sorte qu’il est fixé directement sur la peau par un patch adhésif, à l’endroit qui sied à chaque patient (haut du bras, abdomen…) et se dispense de tubulure. Totalement étanche, cette pompe permet en outre au patient de prendre sa douche sans devoir l’ôter.
Outre ces avantages, la micro-pompe de Cellnovo est surtout la première pompe totalement connectée : reliée à un terminal mobile à écran tactile intégrant un glucomètre, l’ensemble des informations permettant d’adapter le traitement au plus près des besoins (glycémie, utilisation d’insuline, alimentation, incidents éventuels…) sont ainsi transmises en temps réel avec, si le patient le souhaite, un partage des données avec son praticien ainsi que ses proches, ce qui peut s’avérer souhaitable pour des patients pédiatriques ou des personnes aux capacités affaiblies.
Ce petit bijou technologique, adopté définitivement par tous les patients testeurs, est l’aboutissement de plus de dix années de recherche et de développement et 65 millions d’euros d’investissements est désormais homologué mais aussi depuis peu commercialisé en France et en Grande-Bretagne, deux pays où la micro-pompe est prise en charge par le système de santé sans aucune différence avec les systèmes préexistants. La commercialisation se poursuivra dans les trimestres à venir ans aux Pays-Bas, en Italie et en Allemagne via un réseau de distributeurs, dont Air Liquide Santé avec qui un accord cadre a été signé. Le marché américain devrait être adressé à partir de 2017 puis la Chine, le Japon et l’Inde en 2018. D’ici la fin de la décennie, Cellnovo vise à équiper 45.000 patients.
À court terme cependant, le démarrage de la commercialisation à grande échelle et le développement des capacités de production vont accroître le besoin en fonds de roulement, sachant que la pompe elle-même, garantie quatre ans, représente un volume assez limité : le modèle économique de Cellnovo est du type rasoir/lames, la marge étant réalisée essentiellement sur les cartouches, à renouveler tous les trois jours.
Financée jusqu’ici par des fonds aussi bien européens français (Auriga, Edmond de Rothschild, Omnes Capital) qu’européens (Advent et NBGI au Royaume-Uni, Forbion aux Pays-Bas) et un américain (HealthCare Venture), la société se tourne vers la Bourse pour renflouer son bilan, actuellement en situation de capitaux propres négatifs, et se donner les moyens de récolter commercialement le fruit de ses efforts. L’offre qui se termine mardi soir vise à lever 35 millions d’euros en hypothèse médiane sans la greenshoe. Les fonds qui détiennent aujourd’hui 90 % du capital se sont engagés à mettre 12 million d’euros de plus sur la table, tandis qu’Air Liquide Venture Capital s’invite au tour de table en apportant 4,5 millions. 47 % de l’offre de base est ainsi déjà couvert. Dans l’hypothèse haute, soit un prix en haut de fourchette et exercices de la clause d’extension et de l’option de surallocation, la levée irait jusqu’à 53 millions. Selon les conditions définitives, la capitalisation devrait atteindre une centaine de millions (jusqu’à 140 millions en hypothèse haute). Un prix qui repose avant tout sur le pari du succès de la micro-pompe connectée, l’entreprise étant pour l’heure encore largement déficitaire.