Bâtir une entreprise pérenne, d’emprise mondiale, dans les thérapies cellulaires au sens large : c’est l’ambition que Cardio3 BioSciences, surtout connue jusqu’ici pour son projet de thérapie de régénération du cœur (C-Cure), évoquait depuis plusieurs mois.
À cet effet, la firme a signé en octobre 2014 un accord d’accès privilégié avec son partenaire américain la Mayo Clinic (qui s’est récemment hissé au premier rang des hôpitaux américains selon le US News and World Report). Dans le cadre de cet accord, la Mayo Clinic accorde à Cardio3 BioSciences un accès privilégié –mais non exclusif– aux technologies développées au sein du Centre de médecine régénérative de la Mayo Clinic, ainsi qu’à d’autres technologies sélectionnées de l’institution, au-delà du seul domaine cardiaque. C’est-à-dire notamment les thérapies visant à restaurer des organes (foie, os, nerf…) mais aussi toutes les thérapies cellulaires notamment liées à l’immunothérapie.
Dans ce domaine, c’est le terme de CAR-T (CAR : “Chimeric Antigen Receptor ou Récepteur Antigénique Chimérique”) qui est sur toutes les lèvres depuis le congrès de l’ASH (American Society of Hematology) de 2013. L’édition 2014 qui s’est tenue du 6 au 9 décembre a confirmé cet intérêt grâce aux résultats fracassants présentés par Novartis (rémission complète de 92 % dans une étude pédiatrique sur des patients atteint d’ALL en rechute) et par Juno (rémission de 89 % chez des patients adultes dans la même indication).
Toutefois quand la plupart des pairs se ruent vers les CAR-T anti-CD19, la société wallonne préfère miser sur les anti-NKG2D, aux indications potentiellement plus larges.
Schématiquement les CAR-T sont des cellules du système immunitaire que Christian Homsy le patron de Cardio3 compare à des petites bombes… Mais dans certaines maladies ces bombes ont qui ont perdu leur tête chercheuse. L’idée est de replacer des têtes chercheuses mais 95 % des programmes actuels se fondent sur des bombes équipées avec des têtes « anti-CD19 » ciblant des cellules du sang donc essentiellement des traitements des leucémies.
Cardio3 BioSciences vient de faire l’acquisition d’OnCyte, la division oncologie de Celdara Medical (non cotée), et de son portefeuille de produits candidats en immuno-oncologie. Celdara utilise pour son candidat CM-CS1 un récepteur spécifique de cellules tueuses naturelles humaines (NK cells), NKG2D, qui cible des antigènes tumoraux exprimés dans la plupart des cancers liquides et solides. Difficile de donner un chiffre précis mais 80 % des types de cellules cancéreuses présenteraient ce récepteur, d’où l’intérêt d’une tête chercheuse anti-NKG2D.
Outre des cibles thérapeutiques plus large, l’avantage est aussi d’éviter tout risque de litige sur la propriété intellectuelle dans l’univers des anti-CD19 qui commence à être densément peuplé. L’inconvénient est que Celdara ne dispose pas encore de résultats cliniques, mais ceux obtenus en vivo chez l’animal démontrent une efficacité surprenante. Cardio3 BioSciences compte lancer dès le premier trimestre une première phase clinique, de toxicologie, sur une petite cohorte (une vingtaine de patients).
Cardio3 a convenu de payer Celdara 10 millions de dollars d’upfront, dont 6 millions en numéraire et 4 millions en actions. Les versements d’étapes liés à l’avancement de CM-CS1 pourraient totaliser 50 millions de dollars puis jusqu’à 80 millions en cas de succès commercial (au-delà du milliard de dollars de ventes). Le cédant recevrait en outre des royalties de 5 à 8 % des ventes.
Outre le CM-CS1, OnCyte possède deux programmes CAR T-Cell en phase préclinique, qui ciblent encore d’autres ligands de cellules tumorales, ainsi qu’une plateforme T-Cell allogénique qui permet de faire de toute thérapie CAR T-Cell un produit « prêt à l’emploi ».
«Nous sommes particulièrement ravis d’ajouter le programme de développement clinique d’OnCyte et la plateforme CAR T-Cell à notre portefeuille d’actifs de premier plan. Fort des bases solides que représente notre produit-phare en régénération cardiaque, C-Cure, cette acquisition nous positionne dans un deuxième domaine thérapeutique caractérisé par d’importants besoins médicaux insatisfaits», a expliqué Christian Homsy, directeur général de Cardio3.
Forte de ce portefeuille de traitements dans un domaine qui affole les investisseurs (en témoignent les succès de Kite, valorisé 2,95 milliards de dollars, et de Juno, à 4 milliards) Cardio3 BioSciences devrait dès lors être de plus en plus tentée par se tourner vers les USA pour renforcer ses moyens.