Après l’avis favorable obtenu en novembre dans le cadre de la « Voluntary Harmonization Procedure », qui consiste en une évaluation coordonnée des essais cliniques multinationaux de médicaments au niveau européen, OSE Pharma démarre la très attendue phase 3 sur le Tedopi. Le recrutement des patients est maintenant ouvert dans les premiers centres cliniques. Dominique Costantini, co-fondatrice et DG de la société, explique à BiotechBourse les enjeux de cet essai pivot et précise l’agenda d’OSE Pharma pour 2016.
BiotechBourse : Que représente pour OSE Pharma cette étude ?
Dominique Costantini : Avec l’initiation de cette étude de phase 3, appelée « Atalante 1 », nous venons de franchir un cap important du développement du Tedopi, puisque nous déposerons le dossier d’enregistrement dans le traitement du cancer du poumon non à petites cellules sur la base des données recueillies.
BiotechBourse : À ce stade, les trois premiers pays ont délivré leur feu vert : pouvez-vous préciser le séquençage des étapes pour la suite ?
Dominique Costantini : L’autorisation de chaque agence nationale mais aussi en parallèle l’accord des comités d’éthique ont été maintenant rendus pour la France, l’Italie et la République tchèque, ce qui veut dire que toutes les étapes administratives sont levées et que les centres cliniques commencent à recruter des patients. D’autres pays rejoindront l’étude au cours du trimestre, notamment la Pologne, l’Allemagne, le Royaume-Uni… Au total, nous avons sélectionné 70 centres, tous impliqués dans les guidelines européens ESMO et choisis aussi pour leur potentiel à recruter suffisamment de patients atteints par le cancer du poumon – un cancer très lié au tabagisme, donc très fréquent dans les pays de l’Est de l’Europe. Nous projetons également d’inclure des centres aux Etats-Unis. Au total, il est prévu d’enrôler 500 patients.
BiotechBourse : Comment l’efficacité du Tedopi sera-t-elle évaluée dans Atalante-1 ?
Dominique Costantini : L’étude vise à évaluer Tedopi chez des patients en échec après au moins une première ligne de traitement, en comparaison aux chimiothérapies (docetaxel ou pemetrexed) qui sont aujourd’hui recommandées en deuxième ligne, après un premier échec thérapeutique. Les patients seront répartis en deux bras : soit Tedopi seul, soit une chimiothérapie seule.
BiotechBourse : S’agissant d’une maladie aussi grave que le cancer du poumon, les autorités de santé ont donc donné leur feu vert pour qu’on propose à certains patients seulement votre molécule, plutôt à la molécule plus une chimio. Cela suggère qu’on dispose déjà d’indices convaincants d’efficacité ?
Dominique Costantini : En effet, dans l’indication d’un cancer du poumon « non à petites cellules » après échec d’un premier traitement Tedopi a déjà fait apparaître des données très encourageantes en termes de survie. Au cours de la phase 2, les investigateurs ont observé une survie médiane de 17 mois, alors que la médiane est généralement comprise entre 5 et 8 mois lorsqu’on tente une chimiothérapie à ce stade de la maladie. C’est évidemment un aspect qui a été déterminant pour que les agences nous autorisent à investiguer notre traitement à grande échelle. Nous avons aussi pris soin de structurer la phase 3 de façon très proche de la phase 2 pour éviter qu’un biais de ne vienne perturber les résultats.
BiotechBourse : À quelle échéance peut-on attendre des données ?
Dominique Costantini : L’espérance de survie chez ce type de patients est malheureusement brève. Or pour obtenir des données concluantes, il faut un certain recul de survie. Pour cette raison, l’étude ne comprend pas d’analyse intérimaire avant les résultats complets, lesquels sont attendus vers 2018.
BiotechBourse : OSE Pharma a acquis les droits de Tedopi auprès du laboratoire Takeda, qui ne souhaitait pas le développer pour des raisons qui lui sont propres. Est-ce que le lancement de la phase 3 entraîne un versement de votre part ?
Dominique Costantini : Non, aucun milestone n’est dû à Takeda avant le dépôt de l’AMM, et le montant prévu lorsque nous arriverons à cette étape est tout à fait gérable pour l’entreprise. Par la suite, Takeda est éligible à un taux de royalties que nous ne pouvons divulguer exactement, mais situé dans les « low single digit » [NDLR soit moins de 5 %].
BiotechBourse : Le cours de Bourse d’une société de biotechnologies comme la vôtre est très influencé par le newsflow. Passé le démarrage d’Atalante, restera-t-il à OSE Pharma des éléments à communiquer en 2016 ?
Dominique Costantini : Rassurez-vous ! Bien sûr la mise en place la phase 3 est la priorité de l’entreprise en ce début d’année mais nous avons d’autres projets à faire avancer en 2016. Nous nous intéressons particulièrement à la possibilité de lancer une phase 2, cette fois en combinaisons avec un inhibiteur de checkpoints. L’association du mode d’action très spécifique de Tedopi, qui permet l’activation des lymphocytes T tueurs, et de celui d’un inhibiteur de checkpoints, destiné à lever les blocages du système immunitaire, est potentiellement très intéressante.
BiotechBourse : Menez-vous déjà des discussions en ce sens ? avec des labos ou des cliniciens ?
Dominique Costantini : Toutes les pharmas testent ou envisagent toutes sortes de combinaisons… Face au cancer, l’objectif des médecins est simple : booster la durée de survie des malades sans progression de la maladie. Pour y parvenir, utiliser plusieurs traitements agissant en synergie a toujours fait partie de la pratique en oncologie. Donc, tout le monde est forcément intéressé par de nouvelles pistes, à commencer les cliniciens qui sont très impliqués dans l’élaboration des recommandations internationales et s’efforcent d’anticiper les pratiques futures. S’agissant des checkpoints inhibitors, s’ils font aujourd’hui une percée par rapport à la chimiothérapie, ces produits ne sont pas sans inconvénients : ils peuvent entraîner des maladies auto-immunes [NDLR : en raison de leur action non-spécifique à certaines cibles il ya un risque d’emballement de tout le système immunitaire à l’encontre des tissus sains], de plus généralement seule une minorité de patients sont répondeurs. Chaque approche trouve une place dans une approche thérapeutique globale pour être la plus efficace.
Nous comptons être en mesure de préciser en deuxième partie d’année le contenu de phase 2 combinatoire ainsi que leur source de financement, que ce soit partenariats, levée de fonds ou subventions. Par ailleurs, OSE Pharma ne s’interdit pas non plus d’engager des actions pour consolider son portefeuille dans le domaine très actif de l’immunothérapie.