Franck Grimaud a été PDG de Vivalis depuis sa création en 1999 jusqu’à l’acquisition par le groupe nantais de la société autrichienne Intercell. Il occupe aujourd’hui le poste de Directeur général de Valneva, l’entité fusionnée.
BiotechBourse : Quelles sont les perspectives du VLA 83 après l’échec de la phase 2/3 ?
Franck Grimaud : À notre surprise et évidemment notre grande déception, les résultats sur le candidat vaccin contre le Pseudomonas aeruginosa n’ont pas démontré d’efficacité. Je parle de surprise par rapport aux données favorables recueillies tant en phase 2 qu’à mi-parcours de l’étude finale, mais il s’avère que ces bons signaux étaient probablement des artefacts statistiques puisqu’en définitive sur l’ensemble de la population des 800 patients étudiée il n’y a pas de réelle différence de survie observée entre le groupe vacciné et le groupe sous placebo. Même si nous allons mener avec GSK une analyse détaillée de l’ensemble des données de l’étude, nous considérons qu’il y a très peu d’espoir que ce candidat devienne un produit et que notre partenaire lève son option. Nous sommes d’autant plus déçus qu’il s’agissait du seul vaccin en développement contre le Pseudomonas, ce qui témoigne de la difficulté de la recherche d’un traitement pour cette infection qui représente une part grandissante des décès à l’hôpital. Les pistes alternatives reposent sur des anticorps ou de nouvelles classes d’antibiotiques… Malheureusement, il apparaît que les problèmes liés aux maladies nosocomiales sont clairement devant nous et les besoins thérapeutiques loin d’être satisfaits.
Toutefois, cette déception ne remet pas en cause les objectifs de Valneva. Nous confirmons notre ambition d’atteindre en 2016 le cap de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires avec un EBITDA proche de l’équilibre. Concernant la R&D, nous visons aussi cette année le lancement d’un essai clinique sur VLA15 dans la maladie de Lyme, la signature d’un partenariat pour VLA84 contre le Clostridium difficile en vue de sa phase 3, et la publication de données précliniques dans le virus Zika.
BiotechBourse : Les modalités d’acquisition d’Intercell prévoyaient cependant la possibilité d’un tel échec : pouvez-vous en expliquer le mécanisme ?
Franck Grimaud : Lorsque nous discutions et que nous organisions la fusion, vers 2012, personne ni du côté de Vivalis ni du côté d’Intercell ne pouvait avoir de certitude. Le programme Pseudomonas pouvait aussi bien générer énormément de valeur qu’aucune. Mais nous ne pouvions ni l’obtenir gratuitement, ni diluer fortement les actionnaires de Vivalis pour un produit devant encore faire ses preuves. C’est pour cela que nous avons attribué aux anciens actionnaires d’Intercell des actions dites de préférence, qui auraient été transformées en actions ordinaires seulement en cas de mise sur le marché du produit avant mai 2020. Si elles avaient été exercées, cela aurait représenté une dilution de 8 à 10% du capital. Cela ne sera donc très probablement pas le cas et ces actions de préférence perdent leur valeur. Sans compenser totalement la mauvaise nouvelle, cela atténue donc son impact.
BiotechBourse : GSK venait déjà de renoncer au programme C. difficile, dans un souci de rationalisation de ses projets cliniques. Que reste-t-il de vos collaborations avec le groupe britannique ?
Franck Grimaud : Même s’il y a moins de programmes, la qualité de notre relation avec GSK n’est pas remise en cause. Dans sa revue de R&D fin décembre dernier, le groupe indiquait que VLA83 faisait partie des 5 vaccins phares en « late stage » et leurs équipes étaient aussi impatientes de découvrir les résultats et ils sont tout aussi déçus que nous de ne pas être en mesure de faire avancer ce vaccin. Mais nous avons toujours une collaboration majeure sur la lignée EB66 dont ils ont l’exclusivité pour la fabrication de vaccins contre la grippe (tant pandémique que saisonnière). Un vaccin pandémique issu d’EB66 a déjà reçu son AMM (au Japon). Par ailleurs, grâce à l’édification d’un site de production dédié au Texas, GSK a fait savoir qu’il serait prêt à partir de 2017 à répondre à toute commande du gouvernement américain en cas de crise pandémique. Nous menons aussi ensemble différents programme pour la grippe saisonnière.
BiotechBourse : Lorsque vous aviez acheté Intercell, la firme avait déjà connu des échecs et sa valorisation avait déjà fortement diminué. Regrettez-vous cette opération aujourd’hui ?
Franck Grimaud : Isolée, ni l’une ni l’autre des sociétés n’aurait pu arriver au point où Valneva se trouve aujourd’hui qui est de devenir une société indépendante leader sur le marché des vaccins après les quatre majors Merck, GSK, Sanofi Pasteur et Pfizer . Nous sommes aujourd’hui sur la voie d’atteindre 250 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020. Nous avions pris la précaution de conditionner une partie de la rémunération de l’acquisition au succès du VLA83, pour ne léser ni les actionnaires d’ex-Intercell ni ceux d’ex-Vivalis. L’actif principal amené par Intercell était le vaccin contre l’encéphalite japonaise, aujourd’hui en croissance significative qui est vraiment générateur de revenus et surtout de rentabilité. Ensemble, nous avons pu acheter le vaccin Dukoral contre le choléra pour développer notre portefeuille de vaccins du voyageur… Si c’était à refaire, je le referais sans hésiter. Notre rapprochement nous a permis de devenir une société commerciale, proche de l’équilibre opérationnel, ne jouant pas son avenir sur un résultat clinique. Notre motivation était de constituer un acteur européen qui soit une entreprise mature avec des compétences allant de la recherche jusqu’à la commercialisation. C’est ce que nous avons créé et que nous allons continuer à développer, en investissant environ 20% de nos revenus dans la recherche de nouvelles thérapies.