Je me suis entretenu avec Adrien Cohen, qui vient de lancer un Fonds de philanthropie pour apporter des solutions à la paralysie, en soutenant des start-ups hyper innovantes. Ensemble, nous abordons des questions cruciales en Biotechnologie : son initiative atypique et utile pour soutenir les Biotechs, le financement de cet écosystème, la place de l’Europe et de la France dans la course à l’innovation, les avancées dans les neurosciences / la médecine régénérative et l’IA. Mais aussi les projets ambitieux menés par son Fonds de philanthropie. Un entretien très inspirant…
Adrien Cohen est le directeur général et fondateur de SCI Ventures, le premier fonds de capital-risque axé sur les thérapies innovantes pour récupérer et guérir de la paralysie. Adrien dirige un groupe d’investisseurs expérimentés, d’entrepreneurs, de professionnels des biotechnologies et de neuroscientifiques pour réaliser la mission de SCI Ventures : soutenir et accélérer le développement de la prochaine génération de traitements. Adrien est également un entrepreneur de premier plan de la Tech et un investisseur basé au Royaume-Uni (davantage de détails sur son parcours en bas de publication).
Sacha Pouget (Biotech Trade) : Vous venez de lancer « SCI Ventures », un nouveau Fonds de philanthropie de capital-risque. En quoi ce modèle est-il unique ?
Adrien Cohen (SCI Ventures) : Notre observation de départ, lorsque nous avons lancé notre Fonds dans le domaine des SCI (NDLR : SCI pour « Spinal Cord Injury », c’est-à-dire les lésions de la moelle épinière) était qu’il y avait très peu d’investissement et qu’il y avait un obstacle à l’innovation lié au manque de capital pour les startups. Le constat, c’est qu’il y a une recherche académique prometteuse mais pas de traduction dans le monde réel parce que les Fonds d’investissement ne jouent pas leur rôle, n’investissent pas et ne prennent pas assez de risque sur les biotechs ou les neurotechs.
Pour y remédier, nous avons créé ce Fond de Capital risque philanthropie. Concrètement, nous investissons comme un Fonds traditionnel : nous prenons des parts dans des sociétés avec la même rigueur et les mêmes processus. La grande différence est que nous ne distribuons pas les profits, nous les réinvestissons. Donc, 100% de ce que nous gagnons est réalloué dans d’autres sociétés, c’est en cela que le modèle est philanthropique. Les investisseurs qui nous soutiennent sont des donateurs mobilisés qui souhaitent faire aboutir de nouveaux traitements. Ils comprennent l’importance de ce type de véhicule pour offrir de nouvelles options aux patients.
C’est un modèle fascinant car en étant « evergreen » (NDLR : terme qui fait référence à des fonds qui n’ont pas de date de clôture) et en recyclant 100% de nos gains, nous restons concentrés sur notre mission sans la pression de redistribuer des profits à des actionnaires. Nous pouvons prendre plus de risques et nous inscrire dans une perspective à plus long terme car nous sommes d’abord investis dans notre mission. Et puis, le deuxième élément que je trouve magnifique est que nous devenons autosuffisants. Nous avons un véhicule qui finance en permanence l’innovation sur ce sujet, sans besoin de relever des Fonds tous les deux ans. Avec SCI Ventures, tant que nous faisons des investissements intelligents, le Fonds grossira et financera ce sujet en permanence. Cet effet de levier est très puissant et c’est ce qui rend ce Fonds unique, et qui est clé dans notre approche.
Biotech Trade : Les Fonds de philanthropie de capital-risque se sont développés aux Etats-Unis mais sont plutôt rares et méconnus en Europe. Avez-vous des exemples similaires de Fonds de philanthropie, pour d’autres maladies ?
Adrien Cohen : Avant nous, plusieurs Fonds de philanthropie se sont spécialisés dans des maladies très spécifiques, apportant leur expertise, ce qui a permis de réduire le niveau de risque et d’attirer d’autres investissements. Par exemple, le Fonds de philanthropie ALS (pour le traitement de la sclérose latérale) a été lancé il y a quelques années. Il y a également eu un Fonds spécialisé dans la mucoviscidose. Et un autre dans la maladie de Duchenne.
Prenons le diabète de type 1, un exemple très concret du changement de paradigme de ce type de Fonds. La fondation JDRF est la première fondation pour le diabète de type 1 aux États-Unis. À l’époque, ils faisaient le même constat que nous aujourd’hui, à savoir qu’il n’y avait pas d’option pour cette maladie. Des centaines de millions de dollars avaient été dépensés en recherche académique, mais aucune solution concrète n’avait été trouvée, à part des pompes à insuline, car il manquait l’étape startup. Ils ont donc créé un Fonds d’investissement de venture philanthropique pour traiter le diabète de type 1 (le « T1D Fund ») en 2016, doté de 40 millions de dollars pour investir et activer le marché. Grace a leur expertise, ils ont pu activer un marché autour du diabète de type 1.
Aujourd’hui, le T1D Fund est passé de 40 à près de 250 millions de dollars, et ils ont agrégé autour d’eux près d’un milliard de dollars d’investissements. Surtout, six ans après son lancement, le succès est au rendez-vous : une des entreprises qu’ils ont financées a mis sur le marché en 2023 le premier traitement du diabète de type 1 approuvé par la FDA qui ne soit pas un traitement de compensation mais qui modifie la maladie. Ce n’est pas encore une guérison, mais c’est une première thérapie commercialisée pour le diabète de type 1, alors qu’il n’y avait rien jusque-là. En un temps record, ils ont donc changé la vie des patients, avec désormais un premier traitement. Au cours des dernières années, des Fonds de philanthropie ont apporté leur expertise pour réunir des ressources sur une maladie spécifique, apportant leur label et jouant un rôle crucial dans les réponses apportées à ces maladies. C’est exactement le rôle que nous jouons dans le domaine de la paralysie.
Biotech Trade : Votre Fonds a bénéficié de la participation de plusieurs fondations dès son lancement. En quoi ces soutiens sont-il déterminants ?
Adrien Cohen : Pour amorcer la pompe et attirer d’autres investisseurs dans le domaine de la paralysie, il fallait obtenir un label et une expertise. Les fondations de recherche médicale, qui comprennent le sujet, l’ont étudié pendant des décennies. Elles ont financé les meilleurs projets et disposent de neuroscientifiques très pointus. Mon objectif était donc de les attirer et de leur faire comprendre que, bien que la recherche académique soit importante, il est nécessaire d’y ajouter une dimension startup pour atteindre le stade clinique. Sans cela, les projets de recherche prometteurs ne se concrétisent jamais. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré la Fondation Reeve.
A l’origine, ils avaient réalisé un investissement dans une société aux États-Unis puis une autre en Europe, qui ont fusionné pour devenir Onward Medical (NDLR : société cotée sur Euronext Bruxelles et Euronext Amsterdam depuis Octobre 2021). Je suis allé voir la Fondation Reeve, déjà très intéressée par l’idée d’investir dans des startups. Ils avaient l’exemple de cette entreprise qui avait très bien fonctionné, mais ne savaient pas vraiment comment industrialiser l’approche. Ce sont eux qui m’ont parlé du modèle de Fonds « evergreen », et nous avons décidé de le créer ensemble. Assez vite, nous nous sommes rendus compte qu’il fallait atteindre une masse critique et éviter de la dispersion. Nous ne voulions pas avoir plusieurs petits Fonds dans le monde qui faisaient la même chose, nous voulions vraiment une initiative suffisamment large pour faire la différence.
Je suis donc allé voir d’autres fondations à travers le monde pour les réunir sous la même bannière, le même véhicule d’investissement : SCI Ventures. Nous avons rallié la fondation leader du Royaume-Uni, Spinal Research, puis les plus grosses fondations européennes, notamment Wings for Life basée en Autriche et la Fondation Promobilia en Suède. On a même attiré le Shepherd Center aux États-Unis, qui est un centre de réhabilitation neurologique de premier plan. Nous sommes donc partis de ce projet avec la Fondation Reeve et l’avons étendu avec d’autres fondations – qui sont toutes co-fondatrices du véhicule. Ce sont ces partenaires qui ont injecté du capital dans le véhicule, et qui apportent leur expertise et leur réseau pour changer les choses dans notre domaine. Cette collaboration, c’est notre super-pouvoir. J’ai mis un an pour réunir ce groupe. Cela a été beaucoup de travail, mais je suis très satisfait du résultat.
Biotech Trade : Votre Fonds de philanthropie a-t-il vocation à attirer davantage d’investissements de la part d’institutionnels ou d’autres investisseurs via de futures levées ?
Adrien Cohen : Oui, clairement. Nous sommes en levée de fonds, avec 27 millions de dollars déjà collectés et un objectif de 40 millions de dollars avant la fin de l’année. Nous avons besoin de mobiliser les familles, les institutions, les fondations qui souhaitent voir du changement dans ce domaine, qui veulent voir plus de thérapies, de traitements. Et qui comprennent l’importance de ces traitements pour les lésions de la moelle épinière et certaines maladies neurodégénératives. Ils voient que notre véhicule est le mieux positionné pour y arriver.
Il s’agit de fait d’une donation, avec les avantages fiscaux afférents, mais le premier critère de nos soutiens est une conviction et une volonté de contribuer à notre mission. La Fondation Reeve couvre les coûts opérationnels, permettant d’embaucher mon équipe. Ce qui signifie que 100% des dons sont investis. Et 100% des gains sont ensuite réinvestis – c’est une façon particulièrement efficace d’utiliser la philanthropie avec beaucoup de levier. C’est ce qui a évidemment permis d’attirer aujourd’hui les cinq fondations de renoms qui nous suivent, ainsi qu’une dizaine de familles et Family Offices de philanthropes qui nous accompagnent et voient l’impact de ce type de modèle.
Biotech Trade : Vous l’avez dit, vous constituez votre portefeuille de participations comme un Fonds traditionnel. Concrètement, comment procédez-vous pour réaliser vos investissements et passer chaque projet au peigne-fin ?
Adrien Cohen : Nous disposons d’un comité d’investissement comme tout Fonds de Capital risque. Aujourd’hui, il est composé de plusieurs membres ayant une très grande expérience dans l’investissement. Notre président du comité d’investissement est Jean-Baptiste Wautier, ancien président du comité d’investissement de BC Partners, l’un des plus gros Fonds de Private Equity en Europe, pesant 40 milliards de dollars. Il s’agit d’un soutien personnel du Fonds et d’un expert du sujet. Nous avons également le président de la Banque nationale d’investissement d’Écosse, ainsi que plusieurs membres de Fonds de VC et de Private Equity qui font partie du comité et qui analysent les dossiers que mon équipe d’investissement remonte.
Notre équipe d’investissement trouve les sociétés et les évalue, un comité de recherche scientifique analyse l’expertise scientifique et les innovations avant qu’elles ne soient présentées au comité d’investissement qui prend une décision. Les fondations qui nous accompagnent ont une expertise médicale acquise grâce à des décennies de financement de la recherche sur ce sujet particulier. Elles ont une vue globale de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Elles disposent également des meilleurs neuroscientifiques de notre thématique, qui travaillent avec nous. Ce savoir-faire est souvent absent chez les investisseurs plus traditionnels et généralistes, qui manquent de temps, d’expertise et de compétences pour évaluer chaque condition sur chaque marché.
Comme évoqué, nous souhaitons atteindre 40 millions de dollars de capacité d’investissement d’ici la fin de l’année et nous sommes en bonne voie pour y parvenir. Avec ce montant, nous pouvons créer un portefeuille de 15 à 20 sociétés. L’objectif est d’avoir une masse critique suffisante pour atteindre des succès et des options qui arrivent en clinique. Il ne s’agit pas de mener chaque société à maturité seul, mais d’attirer d’autres investisseurs qui investissent directement à nos côtés, de façon traditionnelle, notamment des Fonds de VC (capital risque). Comme mentionné précédemment, notre label rend l’investissement moins risqué. Dans les premières sociétés dans lesquelles nous investissons, nous avons montré que nous pouvons attirer trois à cinq dollars supplémentaires pour chaque dollar investi. Notre approche consiste vraiment à amorcer la pompe et activer ce marché, sans tout faire seuls.
Nous ciblons la récupération fonctionnelle à court-moyen terme (mouvement, vessie, intestins…) et notre objectif ultime, c’est une guérison de la paralysie, une réparation de la moelle épinière. Cela nécessitera des milliards d’euros, il nous faut donc activer un écosystème et attirer beaucoup d’investissements dans ce domaine. C’est notre mission.
Biotech Trade : Vous investissez dans les neurosciences et l’intelligence artificielle. En quoi ces domaines peuvent-il apporter des avancées majeures dans l’innovation scientifique au sens large ?
Adrien Cohen : Aujourd’hui, quand nous parlons de neurosciences, nous parlons beaucoup du cerveau et nous oublions la moelle épinière. En fait, c’est le système nerveux central, c’est le même sujet. Et le point que je voudrais porter, c’est aussi de réaliser à quel point les lésions de la moelle épinière et la moelle épinière sont finalement un point de départ encore plus naturel et plus simple que le cerveau pour faire avancer les neurosciences. Ces blessures sont très établies, stables dans le temps et bien définies spatialement, contrairement à des maladies comme Alzheimer, où la biologie de la maladie est mal comprise, la condition est systémique et évolue dans le temps sans situation stable. Il est donc très compliqué de s’attaquer à ces maladies, alors que c’est beaucoup plus simple de commencer par les lésions de la moelle épinière. Donc pour moi, c’est un vrai sujet sur lequel nous pouvons commencer pour apprendre et ensuite passer de la moelle épinière au cerveau.
Concernant l’intelligence artificielle, on constate effectivement une accélération et une convergence des technologies du type de l’intelligence artificielle avec les sciences du vivant et la biologie. Et effectivement, il y a énormément d’applications de l’IA aux thérapies. Il y a deux grandes dimensions sur lesquelles l’IA fait une différence majeure. La première concerne la découverte de nouvelles cibles (« targets ») dans le cadre de la recherche sur certaines maladies, permettant de mieux comprendre ces maladies et d’identifier quelles cibles on peut engager et activer. La deuxième dimension, une fois que les nouvelles cibles sont identifiées, est d’accélérer la découverte de nouveaux médicaments. Il s’agit donc d’une capacité à modéliser et à trouver rapidement des molécules qui vont interagir avec certaines cibles. Et tout cela peut être grandement accéléré par l’IA.
Biotech Trade : Vous investissez aussi dans la thérapie génique. En quoi peut-on considérer cette technologie comme étant disruptive et pourquoi avez-vous décidez d’investir dans ce domaine ?
Adrien Cohen : Il existe un certain nombre de mécanismes ou de conditions où la meilleure approche consiste tout simplement à modifier le programme de la cellule, à le rectifier ou à lui donner une autre instruction. Ensuite, il y a plusieurs façons de faire cela. Soit en modifiant la cellule directement dans le corps humain, soit en y apportant un petit véhicule, comme des virus ou des cargos, pour amener un nouveau programme dans la cellule et lui donner une nouvelle instruction. Et cet aspect est fascinant car cela signifie qu’on peut programmer la cellule pour lui donner l’instruction et le comportement souhaités.
Cependant, cette vision théorique est complexe à réaliser. La plus grande complexité réside dans le fait de cibler la bonne cellule, de traverser un certain nombre de barrières biologiques pour atteindre cette cellule, y déposer le programme, trouver la bonne cellule et ne pas modifier les mauvaises cellules. On peut imaginer la complexité que cela implique.
Nous avons investi dans Sania Therapeutics (basée au Royaume-Uni) qui est un exemple d’utlisation de ces technologies. Ils ont développé la capacité de cibler et modifier les circuits neuronaux dysfonctionnels. Un premier cas d’application consiste à réduire les problèmes de spasticité pour les patients ayant différentes conditions motrices. À très long terme, on peut imaginer donner l’instruction à la cellule de se régénérer ou, par exemple, de demander aux axones de repousser. En fin de compte, il s’agit de donner l’instruction à la cellule de se régénérer ou de recroître, ce qu’elle ne fait plus au niveau adulte mais savait faire au niveau embryonnaire. On peut imaginer trouver ce mécanisme et le relancer. Pour une lésion de la moelle épinière avec des cellules endommagées ou mortes, leur redonner l’instruction de repousser et de se régénérer, c’est vers cela que nous espérons aller.
Cette société fait de la « chemogenetics » (NDLR : la chimiogénétique, en français, est le processus par lequel des cellules peuvent être modifiées pour interagir avec de petites molécules) et ils sont devenus des experts mondiaux dans ce domaine. Il s’agit de combiner thérapie génique et médicament : on modifie une cellule et on prend ensuite un médicament qui interagit uniquement avec la cellule reprogrammée. Comme vous le savez, le problème avec les thérapies géniques vient du fait qu’il faut être très spécifique et très ciblé. Cette société anglaise a réussi à inventer une plateforme qui permet de cibler spécifiquement certaines cellules. Ils appliquent ça à la spasticité, pour empêcher les mouvements moteurs incontrôlés. Ils éteignent le neurone moteur qui est responsable de ce mouvement, mais uniquement celui-là. L’alternative, ce sont des médicaments qui endorment tout le corps, et qui vont éteindre tous les neurones-moteurs. Sania cible uniquement ceux qui sont dysfonctionnels.
Biotech Trade : La course à l’innovation médicale est mondiale. Le fonds a-t-il vocation à investir dans certaines zones géographiques, ou bien partout dans le monde ? Selon vous, quelle est la place de la France et celle de l’Europe ?
Adrien Cohen : Nous n’avons pas de limitation géographique et nous investissons là où l’innovation est la plus prometteuse. Si on regarde notre portefeuille, nous avons déjà investi dans quatre sociétés dont deux aux États-Unis et deux en Europe. L’écosystème aux Etats-Unis est très développé, mais il y a des innovations très intéressantes en Europe également. La France a clairement un rôle à jouer dans cette course à l’innovation. Je vois qu’il y a, par exemple, tout un écosystème à l’Institut du Cerveau avec des pépinières, des Biotechs qui sont aidées pour accéder au stade clinique. C’est un des gros avantages de la pratique française, où la recherche est très proche de la clinique et des patients.
J’ai parlé de Sania Therapeutics, basé au Royaume-Uni, qui est un exemple d’innovation extrêmement poussé, et à mon sens la prochaine génération de thérapies géniques Prenons également pour exemple l’autre société européenne dans laquelle nous avons investi: Onward Medical, dont les co-fondateurs Jocelyne Bloch et Grégoire Courtine sont français. La société, désormais basée en Suisse, est en avance sur Elon Musk et son programme Neuralink. Onward Medical a implanté les premières personnes paralysées avec des neuroimplants des 2021. Grâce à ces avancées, des personnes ont pu recouvrir la marche en utilisant uniquement leurs pensées avec un système d’interface cerveau/moelle épinière. Ce qui montre là-aussi tout le savoir-faire européen dans les innovations de rupture, et notre capacité pour les accompagner.
Biotech Trade : Avez-vous vocation à jouer un rôle opérationnel dans les sociétés dans lesquelles SCI Ventures réalise des investissements ?
Adrien Cohen : Notre rôle est d’aider ces sociétés à atteindre le stade clinique. Nous n’apportons pas uniquement du capital, mais énormément de soutien opérationnel. Nous faisons tout notre possible pour mobiliser notre écosystème, pour aider ces entrepreneurs et ces sociétés à progresser le plus rapidement possible. Nous demandons généralement un poste d’observateur au conseil d’administration pour avoir suffisamment d’information et aider au maximum.
Nous avons rassemblé les acteurs les plus importants de l’écosystème. La Fondation Reeve, l’hôpital Shepherd Center à Atlanta, qui est l’un des plus gros centres de réhabilitation neurologique au monde, Wings for Life, Spinal Research et la Fondation Promobilia.
Nous avons donc le soutien des plus gros acteurs de la recherche médicale et aussi de la recherche clinique dans le domaine de la paralysie. Et ce sont ces institutions-là que nous utilisons pour aider les sociétés en portefeuille. Nous leur donnons un accès au patient, un lien avec les régulateurs, des infrastructures précliniques avec des modèles standardisés et même des infrastructures cliniques. En fin de compte, c’est tout cet écosystème que nous mettons à disposition pour des sociétés que nous soutenons afin qu’elles atteignent la clinique le plus rapidement possible. C’est vraiment ainsi que nous aidons les sociétés : avec l’expertise et le réseau.
Biotech Trade : Quel est votre vision à long terme sur les avancées scientifiques au sens large, et à quoi vous attendez-vous au cours des prochaines années ?
Adrien Cohen : Ce qui est particulièrement excitant dans notre domaine, et de façon plus large en médecine régénérative, c’est que nous commençons à être capables non seulement de programmer les cellules mais également de les fabriquer. Nous pouvons produire du tissu, et même des mini-organes (ce qu’on appelle des organoïdes). Avec cette ingénierie tissulaire, nous pouvons à termes régénérer, remplacer des tissus morts.
Chez SCI Ventures, une application prometteuse consiste à remplacer les cellules mortes dans la moelle épinière, à la suite d’un accident, par du tissu neuf qui reflète au maximum l’architecture et la composition cellulaire du tissue d’origine. Avec cette technologie, les applications sont bien plus larges. On parle beaucoup des maladies neurodégénératives, comme Alzheimer ou Parkinson, ou bien des AVC, où un morceau du tissu cérébral est affecté par la maladie. À mon avis, ce type de technologies peut être un moyen de régénérer ce type de tissu et de les remplacer, soignant ainsi de nombreuses maladies.
Biotech Trade : Pour finir sur un sujet qui agite les chercheurs et les politiques, que pensez-vous du mouvement transhumaniste (qui prône l’usage des sciences pour supprimer le vieillissement et la mort) qui se développe aux États-Unis ?
Adrien Cohen : Il y a différentes considérations. Il y a la considération purement scientifique et biologique, et puis il y a la considération philosophique. Sur la partie scientifique et biologique, je trouve ça fascinant. J’ai rencontré une start-up à New York qui imprime du tissu cérébral avec des machines 3D. Et l’encre qu’ils utilisent est un gel cellulaire pour refabriquer l’architecture et le tissu cérébral, avec l’idée de remplacer les morceaux du cerveau qui ont été endommagés par certaines maladies ou après un AVC. Chez ces scientifiques, les maladies neurodégénératives sont une première étape, la vision à terme est de régénérer l’ensemble du cerveau.
Une fois qu’il est possible de refabriquer le cerveau, qui est la partie la plus compliquée, le fait de maintenir le corps humain est ensuite moins compliqué. Si nous parvenons à cela, nous pouvons imaginer prolonger la longévité, ce qui touche au sujet du transhumanisme. Et sur la partie scientifique et biologique, je trouve ça fascinant qu’on arrive à utiliser ce type de technologie pour soigner de graves maladies. La partie philosophique est un autre débat. Avons-nous vraiment envie de vivre pour toujours ? Personnellement, cela me fait un peu froid dans le dos. Vivre un peu plus longtemps en bonne santé, oui. Mais de là à vivre pour l’éternité, ce sont des implications qui me dépassent.
Plus d’informations sur Adrien Cohen (directeur général et fondateur de SCI Ventures) :
Adrien Cohen a cofondé deux entreprises qui sont devenues des licornes : Tractable AI, l’une des plus grandes entreprises de reconnaissance d’images au monde pour évaluer les dommages aux biens (véhicules, habitations…) via l’intelligence artificielle, et Lazada, le leader du commerce électronique en Asie du Sud-Est, acquis par Alibaba pour 3 milliards de dollars. Il a notamment été nommé par le Financial Times comme l’un des 100 meilleurs entrepreneurs du Royaume-Uni. Adrien est diplômé de HEC Paris et de l’Université Tsinghua à Pékin. Il est aussi mentor au sein de l’accélérateur « Creative Destruction Lab » où il aide les équipes qui travaillent sur des projets scientifiques ambitieux dès leur démarrage.
Plus d’informations sur SCI Ventures : https://www.sciventures.com/