Depuis plusieurs années, nous suivons l’évolution des encours des Fonds Biotech américains. Alors que la France compte péniblement deux Fonds dédiés aux Biotechs cotées en bourse (hors Private Equity) pour environ 17 Millions d’euros investis, les 50 plus gros Fonds Biotech américains gèrent 88 Milliards de dollars et atteignent un record historique.
Au moment ou le secteur de la Santé est reconnu comme étant un secteur Stratégique, comment est-il possible d’accepter qu’en 2020 la France soit 5000 fois moins dotée que les Etats-Unis? Doit-on se résigner face à cette situation ? Ou est-ce le moment d’agir et d’investir massivement dans ce secteur clé dont les innovations thérapeutiques majeures ont permis de créer une valeur colossale au cours des 20 dernières années ?
Précision: les Fonds Biotechs américains et français sélectionnés sont indépendants et uniquement investis en bourse (hors Private Equity), principalement sur leur marché domestique. Voir méthodologie en bas de publication.
Une forte dynamique de croissance des actifs
Les 50 plus gros Fonds Biotechs américains ont collecté pas moins de 40 Milliards de dollars lors des quatre dernières années. Ainsi, début 2016, ces 50 Fonds géraient collectivement 50 Milliards de dollars. Ils sont passés à 62 Milliards de dollars début 2017. Puis 71 Milliards de dollars début 2019. A fin 2019 (derniers chiffres connus), ils ont atteint 88 Milliards de dollars.
A fin 2019, pas moins de 92% de ces 50 Fonds Biotechs disposaient de plus de 250 Millions de dollars d’actifs soit un plus haut historique (voir graphique ci-dessous). Autre record, 50% d’entre eux gèrent désormais plus de 1 Milliard de dollars.
En ce moment, le 50e plus gros Fonds Biotech américain gère 8 fois plus que l’ensemble des Fonds Biotechs cotés. Si tous ces Fonds sont indépendants, on constate par ailleurs l’émergence de véritables poids lourds que nous pouvons voir sur la partie droite du graphique qui suit. Est-ce inenvisageable un jour pour des Fonds français ?
Une force de frappe significative qui participe aux efforts de R&D
Au cours des 12 derniers mois, les 50 plus gros Fonds américains ont eu une capacité d’investissement de 48 Milliards $ soit 4 Milliards $ à investir chaque mois sur le marché Actions.
Il y a évidemment un lien direct entre cette proportion de Turnover et les investissements réalisés sous forme d’IPO et d’augmentations de capital auxquelles participent largement ces Fonds et qui sont la manifestation de leur participation à cet écosystème. En finançant la recherche et le développement, tout simplement.
Des Fonds capables de changer de dimension rapidement
Si 35 des 50 plus gros Fonds ont été lancés après 2000, on remarque également que 30% d’entre eux (15 Fonds) ont été lancés il y a moins de 10 ans. Ces 15 Fonds, qui ont en moyenne 7 années d’existence, gèrent au total 15,1 Milliards $ aujourd’hui (soit 1 Milliard de dollars par Fonds, et 600 Millions de dollars en médiane).
Le graphique qui suit compare l’actif et l’ancienneté de chacun des 50 plus gros Fonds (nous avons exclu le Fonds Baker Bros. du graphique pour une meilleure lecture).
Ce graphique nous montre que 10 fonds créés il y a 5 à 15 ans gèrent aujourd’hui chacun entre 1,5 et 4 Milliards $. Les choses peuvent donc aller très vite… aux Etats-Unis. Est-ce à dire que c’est impossible en France ? Une chose est certaine, cela n’a jamais été tenté. Par manque de volonté ou pour des milliers de raisons. Mais là encore c’est une hérésie.
En marge de ce décalage, force est de constater que le capital de nombreuses sociétés cotées françaises ne cesse de s’ouvrir à des investisseurs étrangers, accélérant de fait une sorte de perte de « souveraineté sanitaire » et de compétitivité. Des sujets qui semblent mobiliser l’exécutif qui doit gérer de la crise sanitaire actuelle.
Un constat est indéniable : la plupart des fonds Biotechs américains délivrent des performances remarquables.
Un secteur utile et performant
Nul ne peut avancer que le secteur Biotech n’est pas sans risques. Il est vrai que seule une molécule en développement clinique sur 10 arrive sur le marché. Mais face à cette frilosité qui voudrait qu’il est extrêmement compliqué de tirer parti de ce secteur qui sauve des vies, le constat nous montre des Fonds ont été capables de largement surperformer les indices.
1- Trois des cinq Fonds les plus performants de la décennie ont été des Fonds Biotech
Dans une de nos publications récentes (lien), nous mettions en évidence le fait que 4 des 20 meilleurs fonds de la précédente décennie étaient des Fonds Biotechs: RA Capital (+30,5% / an sur 10 ans), Baker Bros. (+25,5% / an sur 10 ans), Perceptive Advisors (+21,2% / an sur 10 ans) et Orbimed (+18,2% / an sur 10 ans).
Se positionner sur le secteur Biotech peut donc se révéler être un très bon investissement sur le Long terme. C’est ce que nous constatons sur le graphique de performance ci-dessous (les 4 Fonds Biotechs apparaissent en pointillés).
Les 4 Fonds Biotechs ont en moyenne été multipliés par 9,1 entre 2010 et 2019: RA Capital a été multiplié par 14,4; Baker Bros. a été multiplié par 9,7; Perceptive Advisors a été multiplié par 6,8; et Orbimed a été multiplié par 5,4.
2- Sur trois ans, la performance des 10 meilleurs Fonds américains approche les +40% par an
Au cours des 3 dernières années, les 10 meilleurs des 50 Fonds Biotechs américains ont eu une performance moyenne annualisée de +39% par An, soit 6,5 fois plus que la performance moyenne annualisée du marché boursier Nord américain (voir notre graphique ci-dessous).
Ces 10 Fonds géraient chacun en moyenne 1,8 Milliards $ à fin Septembre 2019. La création de valeur est donc significative. Et par définition, elle est ensuite réinjectée dans le circuit économique par le biais d’IPOs ou d’opérations en secondaire qui font défaut en France. Par exemple, aucune IPO de Biotech française n’a été faite lors des 18 derniers mois. Et nous constatons de plus en plus de refinancements « toxiques » qui ont représenté 50% des opérations en 2019 contre 20% les années précédentes.
Surtout, pour celles qui échappent aux financements toxiques, elles n’ont d’autres choix que de se faire financer depuis l’étranger.
Autre point positif, et qui pèse énormément sur le marché boursier français, les Fonds d’investissements spécialisés participent à la Liquidité et à la vie du titre au jour le jour.
En fin de compte, il n’y a aucune raison pour que des Fonds Biotechs français ne puissent pas suivre la voie des Fonds américains: créer un cercle vertueux, qui participe activement à l’éclosion de futurs champions.
Conclusion : nous devons AGIR !
Est-il possible de se satisfaire d’une telle situation ? Je ne souhaite pas parler de ce qui nous a manqué ces dernières années pour ne pas lancer de nouveaux Fonds. Nous trouverons 1000 raisons pour expliquer ce retard. Mais aujourd’hui nous avons deux possibilités.
-Il est possible de ne rien faire. Et de laisser la situation en l’état. Conserver nos Fonds 5000 fois investis que les 50 Fonds américains. Ce qui revient à acter définitivement le fait que la Biotech et la bourse ne sont pas compatibles. Et que pour le coup cela soit trop sophistiqué pour notre nation. Ce qui revient, dans ce cas, à abdiquer totalement et nous laisser à jamais distancés par les Etats-Unis (sans parler des chinois, voir cette étude du Fondapol de Février 2020 sur le sujet).
-Soit nous agissons, avec une attitude volontariste, pour mettre en place des structures ambitieuses qui puissent être capable de soutenir significativement l’écosystème Biotech et Medtech national. Pour parvenir à ce qui nous manque cruellement: aider à l’émergence de Champions nationaux, et à soutenir des filières innovantes en mal d’accès aux financements.
Nous sommes déterminés à y participer. Cela fait maintenant 6 mois que nous cherchons activement à faire aboutir notre projet de création d’un nouveau Fonds Biotech basé en France. A ce jour, rien n’est fait malgré notre Track record positif de +8% par an (net) sur 5 ans dans un environnement boursier français qui aura été très délicat. Car il faut agir. De notre côté, nous ferons tout pour y prendre une part active pour que notre initiative puisse aller au bout. Espérons que nous serons encouragés et que d’autres initiatives suivront.
Méthodologie
Cet article est extrait d’une publication plus large que nous avons effectué (20 pages). Dans notre publication, nous avons considéré uniquement les 50 plus gros Fonds américains indépendants (hors Fidelity etc.) sur la base des Rapports trimestriels déposés à la SEC, des données de Bloomberg et de GuruFocus. Pour les Fonds américains et français, nous avons sélectionné uniquement les Fonds investis à plus de 50% aux Biotechs cotées sur leur marché domestique respectif.