L’épidémie du COVID-19 a débuté il y a 3,5 mois. Dès le 19 Mars, la BCE a su mobiliser 1100 Milliards d’euros avec son plan de rachat de dette publique et privée. Une mesure franche et massive, à la hauteur de l’enjeu sur le plan économique. Mais pour la Santé, seuls une poignée de programme ont été subventionnés par les institutions européennes. L’Europe doit à tout prix considérer la Santé non pas comme un coût mais un investissement… comme le font les Etats-Unis.
- Les Etats-Unis s’inscrivent pleinement dans la bataille
Dès le début de l’épidémie, les américains ont pris des mesures pour supporter des programmes innovants de développement dans les biotechnologies. Par exemple, dans les Vaccins, trois sociétés ont reçu 910 Millions de dollars de subventions provenant du CEPI, du DOD et du BARDA : Inovio pour 43 M$ via le CEPI et le DOD, Moderna pour 483 M$ via le BARDA et Novavax pour 384 M$ via le CEPI.
Ceci n’est qu’un exemple et pour 32 sociétés seulement et il existe d’innombrables autres exemples. Mais le plus inquiétant est qu’un fabricant européen, qui pourrait être le premier à lancer son vaccin dès cet automne, le réservera en premier pour le territoire américain faute d’investissements de la part de l’Europe. Voilà ou nous en sommes, malheureusement, sur le Vieux continent.
Ainsi, le PDG de Sanofi Paul Hudson a déclaré à Bloomberg le 13 Mai (LIEN) : “parce que les États-Unis étaient les premiers à financer la recherche sur les vaccins de Sanofi, le gouvernement américain a droit à la plus grosse pré-commande car il est investi pour prendre le risque”. Il faut dire que le BARDA entretient une relation de longue date avec Sanofi puisque l’agence américaine lui a accordé 226 millions $ en Décembre 2019 pour accroître ses capacités de production de vaccins contre la grippe, et a apporté 30 millions $ supplémentaires en Février 2020. Les États-Unis ont donc demandé en contrepartie de l’aide apportée des doses en premier en cas de succès (600 millions de doses par an).
Il faut donc que l’Europe comprenne qu’on a les résultats qu’on mérite. Le dirigeant du BARDA l’a d’ailleurs très justement dit: “Les deux puissances économiques (Chine et Etats-Unis) seront vaccinées en premier, c’est pourquoi il est devenu si important d’essayer de créer un débat en Europe pour dire: “Ne laissez pas l’Europe se laisser distancer”. La véritable question est donc de savoir pourquoi l’Europe ne soutient pas ce secteur si Stratégique de la Santé ?
Car les conséquences peuvent être terribles à la fois sur le plan sanitaire et économique: chez Sanofi, Paul Hudson a été très clair « J’ai fait campagne en Europe pour dire que les États-Unis recevront les vaccins en premier. C’est comme ça parce qu’ils ont investi pour essayer de protéger leur population, pour redémarrer leur économie. » Espérons qu’un électrochoc vienne maintenant de Bruxelles pour éviter que se renouvelle une telle situation.
- Les programmes américains ACTIV et Opération Warp Speed
ACTIV est un programme d’accélération dans le Développement thérapeutique et de vaccin Covid-19. Les détails du programme Activ sont décrits dans un article publié lundi dans la revue Science (LIEN) et dont le mécanisme est on ne peut plus pragmatique.
Un autre programme soutenu par la Maison Blanche, appelé Opération Warp Speed, vise à réunir des sociétés pharmaceutiques privées, des agences gouvernementales et l’armée pour tenter de réduire considérablement le temps de développement d’un vaccin (il n’est pas dit que celui de Sanofi soit efficace). Ce programme sera doté de “plusieurs Milliards de dollars” (LIEN).
- L’Europe se cache derrière une initiative mondiale
Depuis Janvier 2020, Bruxelles a confectionné toute une série de programmes d’aides dédiés au COVID-19. Une section est même dédiée sur le site de la Commission Européenne (LIEN).
Mais dans le concret, seulement 140 Millions d’euros (LIEN) ont été engagés depuis Janvier 2020 dont 48,2 millions d’euros pour financer 18 projets de recherche: 151 équipes pour apporter “des réponses aux épidémies, des tests de diagnostic rapide, de nouveaux traitements et de nouveaux vaccins” (LIEN). En mars 2020, l’Innovative Medicines Initiative a débloqué “jusqu’à 45 millions d’euros d’Horizon 2020” pour les Traitements et les Diagnostics (LIEN).
Un “marathon international d’appel aux dons” pour le COVID a été lancé le 4 Mai 2020 (LIEN). Il a pour objectif de récolter 7,5 Milliards EUR (LIEN). A ce jour nous n’y sommes pas très loin puisque 7,37 Milliards EUR ont été reçus à ce jour (LIEN). Il s’agit d’une belle initiative, qui arrive tard, mais qui peut apporter des moyens conséquents. Pour autant, les Etats européens devront partager cette manne avec d’autres pays et notamment avec les Etats-Unis : qu’en restera-t-il au final ? Comment seront alloués / répartis ces fonds ? Enfin et surtout nous n’avons aucune garantie que les fonds seront débloqués rapidement.
La Banque Européenne d’Investissement (BEI), qui aurait du jouer pleinement son rôle en finançant des initiatives, souhaite participer à ce “marathon” (LIEN). Mais pourquoi la BEI n’est-elle pas intervenue plus tôt, en direct, et de manière conséquente comme on a pu le voir avec certaines agences aux Etats-Unis ?
- Un manque d’initiatives et de coopération en Europe
Des essais cliniques ont été financés pour tester d’anciennes molécules. Mais on s’aperçoit finalement qu’on manque de financements. Ainsi, l’essai Discovery lancé le 22 Mars peine toujours à recruter des patients avec des manquements manifestes en terme de coordination et de coopération (LIEN).
Mais le prie pour évioquer les dysfonctionnements vient de l’épisode CureVac. Mi-mars, un financement par l’Europe via le mécanisme de financement InnovFin pour 75 millions d’euros a été débloqué pour CureVac, une société possédant un vaccin potentiel à base d’ARN messager pour le coronavirus. Mais encore faut-il en rappeler le contexte: le 16 mars, un tollé a eu lieu en Europe après la révélation d’informations selon lesquelles le président américain Donald Trump aurait tenté de courtiser CureVac aux États-Unis et de gagner les droits exclusifs de son vaccin expérimental contre les coronavirus pour les Américains (LIEN) – la même stratégie qu’avec Sanofi. Plus tard dans la journée, la Commission a annoncé qu’elle soutiendrait CureVac.
Cette histoire de CureVac est symptomatique de l’anesthésie observée dans le soutien aux sociétés de Traitements, de vaccins et de Diagnostics: la posture est défensive. Nous sommes dans une politique spectacle, sans véritable stratégie, faite de gestuelle et de bonnes intentions. Mais dans les faits, rien ne suit : les sociétés européennes qui développent des Vaccins et des Traitements sont abandonnées. L’absence de l’Europe qui ne joue pas son rôle dans cette course à l’innovation est la pire des stratégies.
En fin de compte, l’Europe considère son écosystème dans l’innovation médicale de cette manière: “nous serons ravis que vos recherches et vos initiatives aboutissent. Au pire les chinois et les américains le feront pour nous”. L’enjeu mérite bien plus que ça ! Car 1 Euro investi dans la Santé aujourd’hui peut éviter de payer 10 Euros demain. Il est temps de changer de Logiciel et de considérer la Santé comme un Investissement plutôt qu’une charge et un coût pour la collectivité.