Le projet d’introduction en Bourse de la société Noxxon Pharma ne va pas manquer de susciter la plus vive attention car cette IPO est à plusieurs égards emblématique. D’abord parce qu’il s’agirait de la première biotech à envisager une offre sur Euronext depuis la purge subie en août/septembre : la réussite du projet a donc valeur de test pour l’ensemble du secteur. Par ailleurs, cette IPO affirme le statut de pôle d’attraction européen atteint par la Bourse de Paris dans le domaine de la santé, Noxxon étant une société de droit allemand -Aktiengesellschaft- et dont le siège social est situé aux Pays-Bas. Enfin, l’opération amènerait sur le devant de la scène une classe thérapeutique prometteuse dans la lutte contre le cancer : les Spiegelmers.
Un stress test pour le secteur biotech après la purge
Depuis Bophytis (à Paris) et Kiadis Pharma (à Amsterdam) en juillet dernier, aucune biotech ne s’est présentée sur les marchés d’Euronext. La prochaine pourrait être Noxxon Pharma AG. Ce groupe berlinois fondé en 1997 entend braver les vents contraires qui ont fait perdre au secteur 20 % de sa valeur en l’espace de deux mois : Noxxon a fait part mardi de son intention de lever de nouveaux fonds en entrant en Bourse. L’opération devrait bénéficier du soutien de certains des actionnaires historiques (Noxxon a jusqu’ici été financé par TVM Capital, Sofinnova, Edmond de Rothschild Investment Partners, DEWB et NGN). Toutefois le lancement effectif du projet dépend encore des conditions de marché. À ce stade, le prospectus n’a pas encore été déposé.
La Bourse de Paris, référence européenne des sciences de la vie
Quoi qu’il en soit, l’intérêt de la société germano-néerlandaise pour Euronext Paris confirme que la Bourse de Paris acquiert véritablement le statut de référence européenne dans le domaine des sciences de la vie. De source bancaire, des entreprises biotechnologiques allemandes, mais aussi suisses ou britanniques, envisageraient désormais Paris comme pune lace de cotation de référence. D’autres exemples pourraient donc suivre la voie de Noxxon.
À noter, le PDG de Noxxon Aram Mangasarian (qui bénéficie de la double nationalité franco-américaine) est déjà relativement familier d’une évolution sur Euronext puisqu’il a par le passé oeuvré au business development d’ExonHit Therapeutics (aujourd’hui Diaxonhit). Il a aussi été directeur du business development chez Novexel, autre société française qui elle n’est pas passée par la case bourse, ayant été directement acquise par AstraZeneca en 2009 pour 505 millions de dollars.
Les Spiegelmers, des petites molécules idéales pour le traitement des cancers par des combinaisons thérapeutiques
La conviction de Noxxon est que l’avenir du traitement contre le cancer passe par l’identification de combinaisons de médicaments afin d’attaquer la maladie de multiples façons ; cette approche est d’ailleurs celle de nombre de leaders d’opinion [notamment James Allison, l’un des principaux artisans de l’immuno-oncologie ; voir à ce sujet la Lettre BiotechBourse n°58 de juin 2015]. Cette approche est cruciale pour faire échouer le phénomène de résistance au traitement qui apparaît malheureusement souvent dans le traitement du cancer. Dans cette optique, Noxxon développe une nouvelle catégorie de molécules appelées Spiegelmers. Ce terme est une marque déposée de l’entreprise (L-ARN aptamères de façon générique) qui désigne des oligonucléotides synthétiques capables de se lier à une molécule donnée du système immunitaire pour inhiber son action, à la manière des anticorps.
Par rapport aux autres aptamères, les Spiegelmers sont énantiomorphes autrement dit leur structure représente l’exact inverse (d’où le terme Spiegel qui signifie miroir en allemand) de la structure du fragment d’ARN visé. L’avantage est que les enzymes qui dégradent habituellement les aptamères ne sont pas capables reconnaître et de dégrader les Spiegelmers, laissant le champ libre à leur action thérapeutique.
De façon schématique, on peut présenter ces aptamères particuliers comme le meilleur des deux mondes entre les anticorps (d’origine biologique) et les petites molécules (chimie de synthèse) :
La société peut produire des Spiegelmers adaptés à toutes sortes de cibles, qu’il s’agisse de petites molécules, de peptides ou de protéines.