Faire du corps son propre médecin : c’est le principe fondateur de l’immunothérapie. Mais si l’idée d’armer le système immunitaire pour combattre telle ou telle maladie est intuitivement séduisante, force est de constater que le développement d’un marché correspondant se révèle bien plus difficile que prévu ! À ce titre, le placement de Dendreon en faillite (selon la procédure décrite au fameux « Chapter 11 » de la législation américaine sur les faillites, voir ce lien) constitue une énorme déception, même si on savait la société, à l’origine d’un vaccin contre le cancer de la prostate avancé, en grandes difficultés.
Les origines de Dendreon remontent à 1992 sur une idée d’Ed Engleman et Sam Strober, professeurs à la Stanford School of Medecine, deux très grands spécialistes de l’immunologie et de la rhumatologie. D’abord baptisée Activated Cell Therapy, la société a ensuite changé plusieurs fois de management mais en restant focalisée sur l’utilisation de cellules dendritiques (d’ou son nom) pour obtenir une réponse immunitaire anti-tumorale.
Après des années de recherche et de développement, Dendreon a obtenu en 2010 l’autorisation de la FDA de mettre sur le marché son premier produit, le Provenge (sipuleucel-T), premier vaccin thérapeutique pour le traitement d’un cancer (en l’occurrence le cancer de la prostate au stade métastatique résistant au traitement hormonal). L’Agence européenne du médicament a suivi en 2013.
Toutefois, les ventes du Provenge n’ont jamais été à la hauteur des espérances. Au cours d’une vie, environ un homme sur six est confronté au cancer de la prostate, qui est la deuxième cause de mortalité par cancer chez les hommes aux USA, après le cancer du poumon. Le traitement, d’un prix de l’ordre de 100.000 dollars par patient (qui s’explique par un coût de fabrication élevé, car propre à chaque patient à partir d’un prélèvement dans la moelle osseuse), permet certes chez 38 % des patients une augmentation de la survie, mais le sursis médian est bref : 4,1 mois. Plus encourageant est le taux de survie à trois ans : 31,7 % contre 23 %.
Déception sur les chiffres de ventes de DNDN :
2010 (lancement en cours d’année) : 48 millions de dollars
2011 : 213,5 millions de dollars
2012 : 325,3 millions de dollars
2013 : 283,7 millions de dollars malgré le lancement d’une campagne marketing directement auprès des patients
2014 : 224 millions de dollars à fin septembre (en hausse de 7,3 % par rapport à septembre 2013)
Des chiffres très loin du pic de ventes attendu à 4 milliards de dollars par an par certains analystes dans l’euphorie du lancement du produit en 2010 !
Parallèlement, sans partenaire et face à des coûts gigantesques le groupe a accumulé 620 millions de dollars de dettes malgré les tentatives désespérées pour éponger le déficit, comme la vente de son site de production à Novartis. La société était aussi très dépendante d’un seul produit.
Désormais, la biotech de l’Etat de Washington estime n’avoir plus d’autre choix que se mettre en liquidation, en bloc sur la base d’un prix de 275 millions de dollars, ou par appartements. Faute de repreneur, les créanciers devraient convertir leurs obligations en actions et retirer la société de la cote. Et si Dendreon arrive à tirer quelque chose de la revente de certains actifs comme les brevets, ce seront les créanciers (détenteurs de dette) qui seront les premiers remboursés. Autant dire que les chances sont minces pour que les petits porteurs s’en tirent bien. Au moins la mise sous protection de la loi des faillites aura-t-elle le mérite de permettre la poursuite de l’approvisionnement du vaccin Provenge.
Il faut simplement espérer que ceux qui avaient acheté en mai 2010 au cours des premiers pas commerciaux de Provenge avaient pris leurs pertes rapidement : l’action qui avait touché 56,22 dollars en séance (plus-haut en clôture de 55,43 dollars) ne vaut désormais plus que quelques cents (0,16$ mardi) soit l’effacement de 99 % de sa valeur maximale…
Evolution du cours de DNDN sur sept ans (en monthly):
La chute de cette ex-star des biotechs doit être prise comme un avertissement à tous les investisseurs. Dendreon avait ses fans, surnommés les « dendreonites » par les médias et les boursicoteurs plus rationnels, affligés de voir des spécialistes autoproclamés aller jusqu’à manifester devant la FDA ou l’ASCO lorsque l’agence du médicament tardait à leur goût à donner son feu vert…
En définitive, cet épisode nous montre l’importance de regarder si une société est endetée avant d’envisager un investissement. Investir sur une société non rentable sur la base d’hypothèses de ventes demeure une activité à haut risque qui réclame une discipline de tous les instants – cette discipline qui est au cœur de notre processus Pré-Catalyste ™ – et certainement pas une dévotion énamourée. Ne tombez jamais amoureux d’une action, car jamais une action ne tombera amoureuse de vous !