Le processus règlementaire menant à la commercialisation outre-Atlantique du Vesneo, un nouveau traitement du glaucome, devrait aboutir d’ici au 21 juillet 2016. La Food and Drug Administration (FDA) a accepté d’examiner la demande d’autorisation de mise sur le marché (New Drug Application, NDA) de ce collyre destiné à diminuer la pression intraoculaire chez les patients atteints de glaucome à angle ouvert ou d’hypertension oculaire, mis au point dans les laboratoires milanais de Nicox (COX) et licencié au leader mondial de l’ophtalmologie Bausch + Lomb, filiale de Valeant (VRX).
La FDA s’est fixé la date du 21 juillet 2016 (PDUFA date) pour finaliser son évaluation du dossier. En cas de décision favorable, Vesneo (latanoprostène bunod) deviendra un first-in-class : le premier agoniste d’un récepteur de prostaglandines donneur d’oxyde nitrique approuvé pour soigner le glaucome.
Après instillation dans l’œil (une dose par jour, en monothérapie), le latanoprostène bunod est métabolisé en deux substances actives : l’acide de latanoprost, un analogue de prostaglandine -c’est-à-dire le principe actif de l’ancien best-seller mondial Xalatan de Pfizer- et l’oxyde nitrique. L’oxyde nitrique est une molécule importante dans la signalisation physiologique et joue un rôle clef dans la régulation de la pression intraoculaire. Vesneo augmenterait ainsi le flux d’humeur aqueuse en agissant à la fois sur la voie uvéosclérale, via le latanoprost, et sur le réseau trabéculaire et le canal de Schlemm, via l’oxyde nitrique.
Au-delà du verdict de la FDA, dont la décision s’appuiera notamment sur les données deux essais de phase 3 où l’effet du latanoprostène bunod sur la PIO était comparé à celui d’un bétabloquant, le maléate de timolol, tout le défi sera en cas de feu vert règlementaire de parvenir à imposer Vesneo sur le marché à la hauteur de leurs ambitions. En 2014, Nicox et Bausch + Lomb estimaient le pic des ventes à environ 500 millions de dollars et plus aux Etats-Unis, environ 1 milliard de dollars et plus à l’échelle mondiale.
Pour y parvenir il faudra convaincre les ophtalmologues de prescire un nouveau médicament princeps, quand depuis quelques années les génériques du latanoprost sont largement disponibles à faible coût. Lancé en 1996 par Pharmacia & Upjohn, groupe entré dans le giron de Pfizer en 2003, ce composé a connu un immense succès, jusqu’à 1,75 milliard de dollars de ventes annuelles (y compris en combinaison avec le timolol, sous l’appellation Xalacom). Cependant, la période d’exclusitivé dont bénéficiait Pfizer a pris fin en mars 2011. Rapidement concurrencé par des latanoprost génériques -y compris celui de Bausch + Lomb- les ventes de Xalatan ont alors chuté :
Selon les termes de l’accord de licence, les paiements potentiels de Bausch + Lomb à Nicox pourraient totaliser jusqu’à 169,5 millions de dollars (un upfront de 10 millions de dollars et un premier milestone de 10 millions également ont déjà été versés) en fonction d’étapes liées au développement, au processus réglementaire, à la mise sur le marché et aux ventes. Nicox est aussi éligible à des redevances progressives sur les ventes du Vesneo. Initialement la société sophipolitaine disposait aussi d’une option de co-promotion aux Etats-Unis, mais elle a depuis informé son partenaire qu’elle renonçait à participer à la co-promotion du produit.
En retour, Nicox devra rétrocéder à Pfizer deux paiements d’étapes totalisant 30 millions de dollars, le premier lié à l’approbation aux Etats-Unis, en Europe et au Japon et le second à l’atteinte de niveaux de ventes prédéfinis, ainsi que des royalties à un chiffre sur les ventes. La part nette des ventes de Vesneo revenant à Nicox, une fois déduite la redevance à Pfizer, sera au bout du compte comprise entre 6 et 11 %.
En effet, bien avant Bausch + Lomb, c’est Pfizer qui avait acquis la licence sur le composé désigné à l’époque comme PF-0318720. En 2009, peut être trop confiant sur la pérennité de son Xalatan, ou bien ne souhaitant plus poursuivre sa franchise ophtalmologie, l’américain en avait courtoisement restitué les droits à Nicox (voir le communiqué de l’époque, format .pdf) – non sans s’assurer quelque compensation en cas de mise sur le marché.