Les performances et les montants levés des IPOs de Biotechs atteignent des sommets aux Etats-Unis. Même si on est en droit de se poser des questions sur l’effet rationnel et soutenable de cette situation, nous constatons que l’Europe est passée au travers de cette fenêtre de tir idéale…
Il faut dire qu’on a assisté à une véritable Euphorie cette année aux Etats-Unis, avec des progressions de 40% en moyenne le jour de la première cotation selon Bloomberg soit 3 fois plus que la moyenne sur 40 ans.
On a aussi assisté à des introductions de sociétés qui ne sont pas rentables et parfois au modèle fragile (le pourcentage de sociétés introduites qui sont déficitaires est de 80% en 2020 contre 45% en 2012).
Enfin, certaines envolées de cours posent question sur la soutenabilité de ce modèle, des sociétés de Technologie comme DoorDash ou encore Airbnb (qui vaut autant que les 5 premiers opérateurs d’hôtels mondiaux) ont doublé lors de leur premier jour de cotation.
Cette mania s’est aussi emparée du secteur biotech. Ainsi, on a pu constater le 11 décembre un triplement du cours d’ AbCellera Biologics (ABCL), une société spécialisée dans les anticorps, jusqu’à valoir 17 Milliards de dollars.
- 83 IPOs de Biotechs et 14,9 Milliards $ levés à Wall Street cette année
On a eu en 2020 une progression de 50% d’IPOs de Biotechs aux Etats-Unis par rapport à 2019 (82 vs 55) et un quasi triplement des montants levés (14,9 Milliards $ vs 5,6 Milliards $).
Cette année 2020 est un record sur 5 ans, le précédent pic étant celui de 2018 avec 72 IPOs et 8,4 Milliards $ levés. Les montants levés en 2020 correspondent à plus que l’ensemble des montants levés en 2016, 2017 et 2018 (13,4 Milliards $ au total) et le nombre total d’IPOs de Biotechs est plus élevé que l’ensemble des IPOs de 2016 et 2017 (75 au total).
- Une euphorie portée par les Banques centrales, les investisseurs professionnels, le FOMO… et le retail
Si on résume 2020, le leitmotiv aura été “Buy Everything” du moment qu’il y a de la Tech dedans ou bien de la Santé. Les IPOs n’y ont pas échappé, avec une progression sur 2020 d’environ 120% pour l’indice qui suit les IPOs aux Etats-Unis (le RENAISSANCE IPO).
Certains investisseurs, profitant de l’aide de la Banque Centrale américaine pour soutenir les indices, ont donc réussi à lever énormément d’argent pour investir sur des actif risqués.
Mais au-delà de la Fed et des investisseurs professionnels (fonds d’investissements), le “retail” (investisseurs individuels) n’est pas étranger à cette exubérance qui pour certains est irrationnelle. Trois phénomènes ont accentué les progressions des IPOs: tout d’abord le confinement a entraîné un accroissement de l’activité des investisseurs individuels (ils représentent 20% du volume).
Ensuite, le “FOMO”, acronysme qui signifie la peur de manquer en anglais, a contribué à cette euphorie en amplifiant les hausses en suivant le principe moutonnier. Cet effet psychologique a sans aucun doute auto-entretenu ce phénomène.
Enfin, la plateforme RobinHood, qui est devenue une sous-culture d’investisseurs actifs, éloignés des mécanismes de la bourse, et influençables a pris un essor phénoménal aux Etats-Unis.
Au final, pour certaines sociétés les valorisations n’ont plus aucun lien avec le fondamental. Et c’est peut-être cette crainte que les investisseurs peuvent avoir pour 2021.
- Performances des IPOs de Biotechs aux Etats-Unis, depuis le premier jour de cotation
Environ 20% des sociétés Biotechs introduites aux etats-Unis en 2020 progressent de plus de 75% depuis leur IPO. Et seulement 1/3 d’entre elles sont en baisse depuis leur première cotation.
- La valorisation des 82 IPOs introduites en 2020 est de 170 Milliards $
- Cette situation est-elle soutenable ?
Lorsqu’on regarde la valorisation totale des 82 Biotechs introduites en 2020, qui atteint 170 Milliards $ (dont 11 sociétés valorisées plus de 3 Milliards $), on comprend qu’il y a potentiellement de quoi s’inquiéter. La valorisation moyenne atteint 2,1 Milliards $, pour une valorisation médiane de 1,15 Milliards $.
Ces valorisations peuvent être difficiles à justifier, au-delà du secteur Biotech (comme le rappelle Crunchbase). Pour autant, ce phénomène peut encore durer. Sachant que pour le moment, les investisseurs sont en mode “TINA” (acronyme anglais pour désigner le fait qu’il n’y a pas d’alternatives aux actions). D’autre part, l’effet des interventions des Banques centrales devrait se poursuivre de même que l’amplification parfois irraisonnée de la part du retail.
Mais au final, nous retenons tout de même le fait que les sociétés introduites en bourse cette année ont pu bénéficier d’une manne financière considérable avec les 14,9 Milliards $ levés. Ce qui permettra à coup sûr de sécuriser leurs financements pour de nombreux mois, et donc de pouvoir développer des programmes thérapeutiques potentiellement disruptifs.
Espérons maintenant que cet âge d’or de la Biotech, renforcé par la crise sanitaire, se poursuive.
- L’Europe est passée au travers de cette situation
Mais au final, le plus inquiétant est tout de mêmele fait que malgré cette fenêtre de tir unique, seulement 11 IPOs de Biotechs ont eu lieu en Europe en 2020… soit 7 fois moins qu’aux Etats-Unis… et 4 fois moins qu’en Asie.
Désormais, il y a davantage de Biotechs cotées en Asie qu’en Europe (297 vs 289). Il faudra inévitablement se poser des questions. Et considérer le fait que des investissements doivent être soutenus et appuyés, avec des politiques incitatives, en laissant la main aux initiatives privées plutôt que publiques.
Avec en corollaire, le fait de répondre à cette question : Peut-on se contenter de ne compter que pour 10% des Licornes Biotechs cotées dans le Monde ?
Je reviendrai sur cet aspect ultérieurement, car une part de notre compétitivité est en jeu…