Approbation d’un premier traitement par la FDA américaine, entrée en phase 3 de deux autres produits, financement de la BEI et augmentation de capital : les 6 derniers mois ont été riches pour MedinCell. Rencontre avec Christophe Douat, Président du Directoire, Dr Richard Malamut, Directeur Médical et Jaime Arango, Directeur financier, pour une interview résolument tournée vers l’avenir.
BiotechBourse : Votre partenaire Teva a annoncé le 28 avril l’approbation de UZEDY par la FDA américaine pour le traitement de la schizophrénie développé avec la technologie de MedinCell. Quelles sont les qualités du produit qui peuvent en faire un succès commercial ?
Christophe Douat (CEO de MedinCell): Le sésame de la FDA nous ouvre les portes du plus gros marché du monde pour les antipsychotiques. Nous y entrons avec un traitement « best-in-class ». Il existe en effet déjà des traitements injectables à action prolongée utilisant la même molécule, la rispéridone, ou la palipéridone qui en est un dérivé. Mais UZEDY apporte de réelles innovations qui devraient permettre une large adoption par le corps médical et par les patients. Nous bénéficions par ailleurs de la puissance et du savoir-faire de la force de vente de Teva.
Richard Malamut (CMO de MedinCell): En schizophrénie, l’intérêt des traitements injectables à action prolongée est avéré. Les antipsychotiques oraux ont démontré leur efficacité pour traiter les symptômes mais le problème c’est que les patients ne les prennent pas. Un quart d’entre eux arrêtent leurs traitements dans les quinze jours après leur sortie de l’hôpital et plus des trois quarts ne suivent plus leurs traitements au bout de deux ans. Les risques de rechute et d’hospitalisation sont alors démultipliés. UZEDY offre des avantages inédits par rapport aux formulations injectables existantes qui le rendent plus pratique pour les professionnels de santé et plus confortable pour les patients : injection sous-cutanée non douloureuse, et non pas intramusculaire, efficacité immédiate dès la première injection, conditionnement en seringue préremplie prête à l’emploi, large choix de dosages et possibilité d’administrer le traitement au choix tous les mois ou tous les deux mois. C’est la technologie BEPO de MedinCell qui rend tout cela possible. Teva a par ailleurs présenté d’excellents résultats de phase 3 : une réduction de 80% du risque de rechute, mais également une amélioration de la qualité de vie des patients, ce qu’aucun autre traitement n’avait démontré jusqu’à présent.
BiotechBourse : Quelles sont les perspectives de ventes du produit UZEDY et de revenus pour MedinCell ?
Jaime Arango (CFO de MedinCell): Le traitement coûte en moyenne 24 000 dollars par an, remboursés intégralement par les assureurs. Ce prix élevé reflète le bénéfice reconnu par les organismes payeurs des traitements injectables à action prolongée. Comme l’a dit Christophe, UZEDY peut être considéré comme un traitement « best-in-class », qui arrive sur un marché qui vaut déjà plus de 4 milliards de dollars avec une croissance de 12 à 15% par an. C’est donc un marché qui pourrait atteindre entre 5 et 7 milliards de dollars rapidement. L’objectif affiché de Teva est de prendre au moins 20% de ce marché. Cela ferait de UZEDY un « blockbuster », c’est-à-dire qu’il atteindrait des ventes annuelles de plus d’un milliard de dollars d’ici quelques années, rien qu’aux Etats-Unis. Là-dessus, nous recevrons des royalties, entre 5 et 9%. Cela pourrait représenter plusieurs dizaines de millions de dollars par an. Je vous laisse faire le calcul, En plus des royalties, notre accord avec Teva prévoit plus de 105 millions de dollars de milestones commerciaux, qui seront payés lors de franchissement de paliers de vente.
BiotechBourse : Votre partenaire Teva vient de présenter certaines données de l’étude de Phase 1 de mdc-TJK, un deuxième antipsychotique utilisant la technologie MedinCell. Pourquoi ces résultats vous semblent encourageants ?
Christophe Douat (CEO de MedinCell): Avant d’aller dans le détail, je vous rappelle que c’est sur la base des résultats de cette étude que Teva a décidé de lancer une Phase 3 aux Etats-Unis. Elle a débuté en janvier dernier. Si elle est positive, elle devrait déboucher sur une demande de mise sur le marché. Les premiers résultats devraient être disponibles avant la fin 2024. Nous tablons sur un lancement commercial en 2026.
Autant UZEDY se positionne comme un « best-in-class », autant mdc-TJK pourrait prétendre au statut de « first-in-class », un graal dans l’industrie pharma. Certains experts que nous avons rencontré à JP Morgan en début d’année ont qualifié mdc-TJK de « produit le plus important de tout le pipeline de Teva ». Si les résultats de la phase 3 en cours sont positifs et qu’il obtient l’approbation de la FDA, les ventes pourraient atteindre plusieurs milliards de dollars. Ça se traduirait pour MedinCell par des revenus de plusieurs centaines de millions de dollars par an après son lancement.
Richard Malamut (CMO de MedinCell): mdc-TJK utilise l’olanzapine, une molécule très efficace, largement utilisée pour les patients schizophrènes les plus sévères ou réfractaires aux autres traitements, soit environ 40% des patients. Il devrait donc être complémentaire à UZEDY. Il existe actuellement une formulation injectable à action prolongée d’olanzapine, mais très peu utilisée du fait d’effets secondaires importants et d’un risque avéré de sécurité. L’injection intra-musculaire du traitement peut entraîner des douleurs pendant plusieurs semaines, et, plus grave, déclencher un « syndrome post-injection de délire/sédation ». Ce n’est pas courant mais suffisamment grave pour que la FDA impose des contraintes importantes pour son utilisation. Les patients doivent notamment être sous surveillance pendant trois heures en clinique après l’administration. Ces contraintes expliquent pourquoi le produit existant n’est quasiment pas utilisé. Grâce à notre technologie BEPO, l’administration se fait sous la peau, sans douleur, et nous maitrisons le pic de concentration au moment de l’injection, ce qui devrait éliminer le risque de « syndrome post-injection de délire/sédation ». C’est ce que montrent clairement les données de pharmacocinétiques issues de la phase 1 présentées récemment par Teva. Si cela est confirmé par l’étude de Pahse 3en cours et que la FDA autorise son utilisation sans restriction, mdc-TJK sera effectivement un first-in-class. Le besoin et le potentiel sont immenses.
BiotechBourse : Votre partenariat avec Teva apparait donc crucial pour MedinCell ?
Christophe Douat (CEO de MedinCell): En fait, il est aussi capital pour Teva que pour MedinCell. Il nous a permis d’amener notre technologie au stade commercial et nous bénéficions maintenant de la force de vente de notre partenaire, qui a démontré son savoir-faire sur la même base de prescripteurs avec un de leur produit phare, Austedo. Côté Teva, les produits que nous développons ensemble sont stratégiques. Lors de son Investor Day du 18 mai dernier, notre partenaire a fortement mis en avant UZEDY et mdc-TJK. Le nouveau PDG, Richard Francis, a présenté son plan de croissance. Dans la stratégie de « Retour à la croissance », il a présenté trois produits : deux qui sont déjà commercialisés, et UZEDY dont la commercialisation a débuté il y a quelques semaines. Il a aussi indiqué que mdc-TJK faisait partie des deux produits proches d’une autorisation de mise sur le marché ayant le potentiel d’accélérer la croissance de l’entreprise. Le nouveau patron de la R&D de Teva a d’ailleurs commencé son intervention avec mdc-TJK.
Mais MedinCell, ce n’est pas que Teva. Nous avons déjà un autre produit en phase 3, qui a le potentiel de révolutionner le traitement de la douleur post-opératoire et dont les résultats sont attendus d’ici la fin de cette année. Ensuite, nous avons tout un portefeuille de produits basés sur la même technologie que UZEDY. Trois d’entre eux entreront en clinique dans les 18 mois à venir. Et nous continuons d’enrichir notre portefeuille avec de nouveaux programmes, certains développés avec d’autres partenaires. Pour des raisons stratégiques, nous ne pouvons pas en dire davantage à ce stade.
BiotechBourse : Vous venez de faire une augmentation de capital de 25 millions d’euros. Dans quel but ?
Jaime Arango (CFO de MedinCell): Les deux années à venir vont être transformantes pour MedinCell. Dans un contexte difficile pour le secteur et incertain de manière plus générale, il était stratégique de mettre l’entreprise à l’abri pour que nous puissions nous concentrer sur l’opérationnel. C’est fait, grâce l’accord de prêt de 40 millions signé avec la BEI à l’automne dernier et à cette augmentation de capital. Nous avons maintenant une visibilité financière assurée jusqu’à minimum fin 2025. A ce moment-là, les revenus de UZEDY et ceux issus de nos autres partenariats pourraient déjà couvrir nos dépenses opérationnelles.