La jeune société GenePred, qui développe des outils de diagnostic génétique permettant de déceler les patients prédisposés à des formes de fibroses graves –par exemple déterminer chez les personnes atteintes d’hépatite C les 15 à 20 % d’entre elles qui développeront une cirrhose du foie– se présentera dans quelques jours aux investisseurs. Non pas via la Bourse, mais par le canal d’une plate-forme de crowdfunding, Anaxago. Une solution tout à fait appropriée au stade de développement financier encore précoce de l’entreprise, laquelle compte générer des revenus commerciaux à partir de 2017, à la modicité du montant recherché (1 million d’euros) et qui est en outre apparue pleinement en résonance avec les valeurs des fondateurs.
Fondée en 2012, la société marseillaise met en application le résultat des recherches menées depuis une trentaine d’années par le Prof. Alain Dessein, pionnier dans l’étude des facteurs génétiques de résistance ou de prédisposition à certaines maladies. Particularité de GenePred, l’entreprise revendique son caractère familial puisque ce sont deux des fils d’Alain Dessein qui l’ont convaincu qu’il fallait monter une structure capable de développer et commercialiser des outils de médecine prédictives : Pierre Dessein, déjà fort d’une belle carrière d’avocat d’affaires à l’international, et Bruno Dessein, scientifique et consultant, spécialiste du contrôle qualité et des affaires règlementaires. Ils ont été rejoints par Laurène Maerten (ingénieur sup’aéro, ex-PwC) et par Frédéric Wurster (ex- Galderma et Takeda).
La vocation de GenePred est de prédire certaines pathologies graves notamment dans les cancers, cirrhoses, infarctus du myocarde… où le processus de fibroses (cicatrisation incontrôlée des tissus) joue un rôle important. Comme il n’existe aujourd’hui pas de moyen d’identifier les individus ayant un risque de cirrhose et de cancer, les praticiens sont réduits à attendre que leurs patients souffrant d’affections du foie développent les formes les plus graves avant de les soigner. Mais il a été démontré qu’attendre l’apparition d’une fibrose grave du foie diminue les chances de survie des patients et augmente les coûts globaux de santé.
L’entreprise a identifié rien moins qu’une quarantaine de mutations génétiques communes aux patients ayant un problème de fibrose et sur cette base remarquablement étoffée (les tests réellement polygénétiques sont aujourd’hui très rares sinon inexistants) elle a développé un algorithme prédictif unique au monde, capable de prédire 80 % des cirrhoses des cancers du foie, et doué d’une capacité d’apprentissage : plus la masse de données acquises grandit et plus le test devient performant.
Dans ce domaine au croisement de la biotechnologie et du numérique, où les acteurs habituels de la pharmacie sont un peu en retard face à des Google ou Apple qui, bien que sans expérience préalable dans le domaine de la génétique, mettent les bouchée doubles sur le marché de la médecine prédictive, GenePred nourrit des ambitions mondiales. « J’entends souvent cette phrase : C’est super votre projet vous allez vous faire racheter par Google ! ce qui a le don de m’agacer… Pourquoi ce réflexe de s’en remettre tout de suite aux géants du numérique ? J’espère faire partie d’une génération d’entrepreneurs assez ambitieux pour construire quelque chose d’aussi important que ce que les américains ont réussi à faire », explique Pierre Dessein.
Le premier test de GenePred permettra notamment le dépistage de l’hépatite C et sa dégénération en cancer du foie, et devrait être lancé début 2017. Son efficacité a déjà été testée sur plus de 6000 patients (11.000 prévus à fin 2016 pour encore affiner la fiabilité du test). La société, financée jusqu’ici par l’apport des fondateurs et des proches et par plusieurs subventions, souhaite lever 1 million d’euros pour décrocher le marquage et mettre en place la commercialisation.
Deuxième test envisagé à court terme, un outil permettant de prédire les patients qui risquent de développer des cicatrices hypertrophiques ou chéloïdes après une opération chirurgicale, un segment lié aux préoccupations esthétiques (où le paiement ne pose généralement guère de problème).
À partir de sa plate-forme de discovery unique, GenePred veut aussi développer des outils de prédictions des cirrhoses et du cancer du foie causés par l’excès de graisse, l’alcool et l’hépatite B, puis du cancer des poumons (fibrose pulmonaire) et de l’infarctus du myocarde (ce dernier provoquant une nécrose du tissu cardiaque).
La connaissance de l’entreprise des marqueurs de la fibrose lui donne la possibilité ensuite d’agir sur des cibles thérapeutiques toutes désignées ; sur le moyen terme cela pourrait permettre de développer de nouveaux traitements. Dans cette perspective, l’idée d’une entrée en Bourse pourrait bien alors faire son chemin.