Stanislas Veillet a co-fondé Biophytis en 2006. Il est aujourd’hui PDG de la société, pionnière des maladies liées au vieillissement.
BiotechBourse : Pourquoi réorienter votre programme clinique en direction des Etats-Unis ?
Stanislas Veillet : Biophytis a aujourd’hui la volonté stratégique de se développer fortement aux Etats-Unis pour développer nos médicaments conjointement sur le marché américain et européen. C’est effectivement une volonté nouvelle par rapport à ce que nous envisagions au moment de notre entrée en Bourse. À l’époque nous n’imaginions pas aller aussi loin, aussi vite dans nos interactions avec les cliniciens américains que ce soit dans la DMLA ou la sarcopénie. Finalement, ce sont Ivana Kim et Roger Fielding, tous deux Professeurs à la Harvard Medical School et personnalités référentes dans leur domaine, qui ont accepté le rôle d’investigateur principal pour chacun de nos programmes. Nous avons aussi ouvert dès novembre une filiale à Cambridge dans le Massachusetts. Prendre pied rapidement aux Etats-Unis était à la fois une opportunité et un besoin… D’un point de vue opérationnel, cela se traduira par une augmentation de la taille des études cliniques MACA et SARA qui passeront de 180 à 300 patients chacune, un quasi-doublement qui permet d’assurer la puissance statistique et de diminuer le risque règlementaire.
BiotechBourse : À quoi correspondent les essais complémentaires prévus d’ici les phases 2b proprement dites?
Stanislas Veillet : Aujourd’hui, les agences en Europe et aux USA ne concordent pas encore complètement sur les critères définissant l’indication de sarcopénie (mais aussi celle de la DMLA pour les stades que nous voulons traiter). Pour accorder les différentes agences et les cliniciens sur la population à cibler, nous prévoyons de réaliser des études complémentaires : tout d’abord une nouvelle étude pharmacocinétique, cette fois chez les sujets âgés, SARA-PK. Cette étude aura lieu entre début juillet et fin novembre et sera suivie d’une étude observationnelle, SARA-OBS, destinée à définir la population cible et qui permettra d’accélérer le recrutement puisqu’elle aura pré-sélectionné les patients pour l’étude de phase 2b : ainsi SARA-OBS débutera en septembre et se terminera avec démarrage de SARA au premier semestre 2017, avec les mêmes patients.
La même logique s’applique à notre programme dans la DMLA avec là aussi pour des raisons règlementaires la nécessité de tester Macuneos chez des volontaires sains âgés (MACA-PK, en fin d’année) puis une étude observationnelle MACA-OBS destinée à sélectionner les patients atteints de DMLA à un stade reconnu et agréé à la fois aux USA et Europe. Même si cette pathologie est mieux connue que la sarcopénie, avec déjà un certain nombre d’essais cliniques, pour les stades précoce ou intermédiaire que vise Macuneos il faut tenir compte des exigences américaines qui sont différentes du critère français notamment. D’où à nouveau l’importance de se retrouver sur un critère commun.
Au bout du compte, si nous avions lancé les études seulement en Europe comme nous l’envisagions initialement, une interrogation forte aurait plané quant à l’acceptation du design par la FDA et par nos partenaires américains, avec le risque de devoir tout simplement recommencer les essais. C’est pourquoi nous avons préféré élargir notre programme en incluant les Etats-Unis, quitte à passer sous les fourches caudines des deux agences à la fois. Nous sommes convaincus que cela valorisera beaucoup plus fortement nos deux programmes.
BiotechBourse : Compte tenu de l’allongement de la durée de développement, Biophytis va-t-elle devoir faire appel au marché pour assurer son activité ?
Stanislas Veillet : La société n’a pas de besoin financier à court terme car nous sommes encore une structure très légère d’une quinzaine de personnes : notre horizon financier s’étend jusqu’au premier semestre 2018. Lorsque Biophytis lancera les études d’efficacité il sera important d’être en mesure de compléter notre financement. Dans ce contexte, depuis l’entrée d’un fonds américain au capital en août 2015, nous continuons à recevoir des marques d’intérêt d’importants investisseurs locaux. Le fait que des cliniciens américains soient chargés des études et que nous prenions à bras-le-corps les questions règlementaires relatives à des pathologies qui constituent des indications encore nouvelles, sans traitement disponible, tout cela est de nature à rassurer les investisseurs institutionnels américains. Cet intérêt fait clairement écho à notre plan de développement outre-Atlantique.
BiotechBourse : Biophytis subit-elle le revers de la médaille d’être pionnier sur ces indications, en se trouvant en position de devoir défricher le terrain auprès des agences ?
Stanislas Veillet : Passer d’une pathologie à une indication règlementaire constitue un chantier certes important… Mais nous n’oeuvrons pas seuls non plus. Aux Etats-Unis le NIH a lancé le Sarcopenia Project afin de valider les critères diagnostiques pertinents. En Europe, le projet SPRINTT a également pour objet de faire reconnaître la pathologie et de mieux en définir les critères. SPRINTT s’appuie sur une étude auprès de 1500 patients âgés suivis pendant cinq ans. Dotée de 40 millions d’euros (apportés à parité par l’Europe et par un consortium de laboratoires), l’étude est pilotée par Susanna Del Signore, anciennement vice-présidente adjointe des affaires réglementaires mondiales chez Sanofi, qui rejoint aujourd’hui Biophytis en tant que Directrice Médicale.
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